Le gouvernement sud-africain par la voix de son ministre de l’environnement a enfin donné les statistiques que tout le monde attendait sur le braconnage des rhinocéros dans le pays. Les autorités se sont réjouies d’avoir inversé la courbe d’abattage grâce aux nombreuses mesures radicales mises en place.
« Nous sommes très heureux d’annoncer que, pour la première fois depuis dix ans, la situation du braconnage s’est stabilisée. » a déclaré la ministre lors d’une conférence de presse.
Le résultat à présent : alors que le nombre de rhinocéros braconnés en Afrique du sud était passé de 13 en 2007 pour rapidement monter à 1004 en 2013 et atteindre le chiffre record de 1215 en 2014, le nombre n’est que de 1175 en 2015 (voir graphique ci-dessous).
Avant que vous ne décidiez d’envoyer un message de félicitation sincère au gouvernement sud-africain, il est nécessaire de réfléchir quelques instants. Deux critères importants sont, selon moi, à prendre en compte pour mesurer l’effet d’annonce de ces statistiques.
- Un certain nombre (plusieurs centaines) de rhinocéros du parc Kruger ont été délocalisés vers d’autres réserves plus sécurisées à l’intérieur du pays. C’est dans ce parc national proche des frontières du Zimbabwe et surtout du Mozambique que la majorité des rhinocéros sont braconnés. On a donc tout simplement déplacé une partie des populations et pas forcément pris des décisions drastiques sur les zones concernées.
- Le nombre des rhinocéros braconnés a nettement augmenté en Namibie ainsi qu’au Zimbabwe. Il y a donc eu un glissement, que l’on prévoit et annonce depuis des années, opéré par les braconniers vers des zones plus faciles pour eux. Et la Namibie doit d’ailleurs encore plus s’y préparer pour l’année qui arrive.
Même si nous sommes obligés de reconnaître qu’il y a eu un stop au carnage en Afrique du sud, on est malheureusement en présence d’une augmentation sur l’ensemble de l’Afrique australe. Un autre indicateur qui est très inquiétant est celui du doublement des disparitions par rapport aux naissances, ce qui est signe d’une catastrophe à venir pour la race entière.
Il ne faut surtout pas baisser les bras et se satisfaire de ce résultat dramatique. Pendant des années certaines ONG ont insisté auprès des gouvernements africains sur le fait que les rangers devaient être plus nombreux, mieux entraînés et mieux équipés. Comme le Tchad et le Kenya, le gouvernement sud-africain a même décidé, depuis 2014, de faire appel à l’armée pour sécuriser le parc Kruger et d’autres parcs nationaux du pays. Je ne pense pas que les résultats soient très probants, surtout pour l’Afrique du sud. Il leur manque un vrai corps de rangers, habitués à la brousse et aux animaux, bien organisés, accompagnés par des moyens adaptés, … en résumé il est nécessaire de professionnaliser ce métier.
Tous les pays d’Afrique, qu’ils soient concernés par le braconnage des éléphants, des rhinocéros, et plus généralement de toutes les espèces en voie de disparition, doivent se mobilier fortement. Encore une fois nous ne remettons pas en cause la souveraineté des états mais il est indispensable que les gouvernements travaillent de concert avec les ONG qui veulent faire bouger les choses.
Mathématiquement parlant, 1175 en Afrique du sud + 80 en Namibie + 50 annoncés au Zimbabwe (pour les ONG le décompte est faux mais on ne peut rien vérifier avec les autorités de Mugabe) = + de 1300 rhinocéros abattus dans ces trois pays sur l’année. On est toujours sur un nombre avoisinant les 4 rhinocéros tués par jour !
Les statistiques de début 2015 donnaient un peu moins de 15 000 rhinocéros en Afrique. Un rapide calcul nous montre que la situation devient plus que critique, même si selon le ministère sud-africain, on peut se féliciter d’avoir réduit le nombre d’animaux braconnés en 2015.