Alors que l’Occident se plaît à jeter l’opprobre sur la Chine pour ses « marchés humides » et, comme souvent, à donner des leçons au reste du monde, les données de la CITES sur le commerce mondial d’espèces sauvages de faune et de flore indiquent que les pays occidentaux participent eux aussi joyeusement au pillage global des écosystèmes.
Dans une infographie interactive publiée en 2015 par National Geographic, on apprend que 27 millions de parties d’animaux sauvages et d’individus vivants (peaux, dents, griffes, plumes, squelettes, animaux de compagnie exotiques, etc) ont été échangés en 2013. Les reptiles sont en première ligne, principalement en raison de l’industrie de la mode utilisant les peaux pour fabriquer divers accessoires. Les plus gros importateurs de reptiles sont les Etats-Unis (15 % du total), l’Italie (11 %) et la Suisse (11 %). Les Etats-Unis sont également les premiers importateurs de mammifères (33 % du total), d’amphibiens (62 %) principalement pour le marché des animaux de compagnie, de coraux (57 %) pour les aquariums, de sangsues (34 %) pour la médecine, d’insectes, de scorpions et d’araignées (59 %) pour les collectionneurs et comme animal de compagnie. Ils se classent second (25 %) pour l’importation d’oiseaux, là aussi souvent pour le marché des animaux de compagnie.
Il faut préciser qu’il s’agit ici d’un commerce parfaitement légal qui se chiffre à 100 milliards d’euros dans la seule Union Européenne en y incluant les industries de la pêche et du bois. Le trafic illégal, dont médias et ONG parlent le plus souvent, n’est estimé qu’entre « seulement » 8 et 20 milliards d’euros dans le monde. Si certains de ces animaux proviennent d’élevages, d’autres sont prélevés directement dans la nature. D’après un rapport du WWF allemand, il y aurait aussi de plus en plus de « blanchiment » d’animaux braconnés dans leur milieu naturel grâce aux élevages. Rappelons également qu’il s’agit ici uniquement des espèces répertoriées par la CITES, soit 37 000 espèces sauvages. Le dernier rapport de l’IPBES évalue quant à lui le nombre d’espèces à 8,7 millions, dont plus 1 million pourraient être menacées dans les années à venir.
Ces graphiques mettent en image les données de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction aussi appelée CITES. Sa mission consiste à réguler le commerce en délivrant des permis prouvant que le prélèvement de l’animal est conforme à la réglementation et qu’il ne menace pas la survie de l’espèce à long terme. Autant le dire tout de suite, le système présente de multiples failles permettant par exemple aux trafiquants de blanchir leurs transactions. Autre problème majeur, beaucoup d’espèces font l’objet d’un commerce parfaitement légal autorisé par la CITES alors que les données sur les populations dans la nature sont quasi-inexistantes. La CITES réussit donc l’exploit de fixer une limite « soutenable » à l’exploitation commerciale d’une espèce sans n’avoir aucune idée du nombre d’animaux dans la nature. Cerise sur le gâteau, les Etats font partie des principaux bailleurs de fonds de ce système, c’est donc de l’argent public qui finance ce fiasco contribuant à l’extermination du vivant ! Car il s’agit bien d’une extermination. Une récente étude du magazine Science indiquait que le commerce de la faune sauvage est la seconde cause d’extinction derrière la destruction des habitats naturels.
L’idée même de vouloir réguler un commerce mondial exploitant potentiellement des millions d’espèces sauvages est totalement utopique. En outre, cette volonté affichée par les grandes institutions, les Etats, les grandes ONG et le monde affaires entre en opposition frontale avec la logique prédominante du moment : privatisation et dérégulation. Comme nous l’a rappelée la propagation du Covid 19, le problème, c’est l’immense quantité d’individus et de marchandises qui se déplace à toute allure d’un bout à l’autre de la planète associée aux destructions multiples des habitats naturels provoquées par l’expansion des villes, l’agriculture industrielle, la construction d’infrastructures, etc.