Il y a de cela quelques années, je suis invité par une organisation zimbabwéenne à visiter un parc animalier dont elle assure la gestion. L’objectif de mon déplacement est de passer deux ou trois jours sur place afin de me faire une idée précise de leurs actions de conservation en faveur de la faune sauvage, et d’en devenir ensuite un prescripteur. Une fois convaincu par le programme, je pourrais inciter des volontaires et des clients touristes à investir du temps et de l’argent pour accompagner mes interlocuteurs dans leur entreprise.
Je suis passionné par les félins et à ce titre très motivé et excité à l’idée de venir découvrir un parc spécialisé dans la réhabilitation des lions. Leur programme est en effet très ambitieux et se décompose en quatre parties :
Phase 1 : les lionceaux orphelins nés en captivité sont récupérés, placés au sein du parc et nourris et chouchoutés par l’homme afin qu’ils puissent se développer en l’absence de leur mère naturelle ;
Phase 2 : ensuite ils sont confrontés à leur futur habitat, à la nature sauvage lors de longues marches dans la savane, accompagnés là encore par les humains. Ces marches leur permettent, selon les responsables du programme, de développer leurs instincts naturels et d’affiner les compétences dont ils ont besoin pour affronter l’étape suivante ;
Phase 3 : à partir de dix-huit mois, les lions reconnus capables sont relâchés en groupes sur de grands espaces clos. En évitant trop d’interférences, des spécialistes les étudient, analysent leurs comportements afin de valider la cohésion et la stabilité sociale du groupe ; j’ai pu voir à ce propos des films qui m’ont été projetés montrant des familles de lions tester des stratégies de chasse ;
Phase 4 : dès lors que les experts valident la pérennité de leur mode de fonctionnement, les lions appartenant aux groupes suivis font partie de programmes de relâchés, cette fois-ci dans la nature sauvage, au sein de parcs nationaux ou de grandes réserves d’Afrique australe, qui sont en déficit de populations de lions.
Mais comment arrivent-ils à financer un projet aussi ambitieux ?
Tout d’abord, lors des phases 1 et 2, des touristes venant passer quelques jours, hébergés dans des lodges très confortables mais à des tarifs conséquents, participent au nourrissage au biberon des jeunes âgés de moins de trois mois, ou au prestigieux « lion walk », traduisez la marche avec les lions dans la savane avec des lionceaux de 4 à 12 mois. Remarquons au passage qu’à 12 mois, ce ne sont plus des lionceaux au sens habituel du terme !
Des volontaires, qui ont payé un minimum de 1 800 € pour une semaine hors billet d’avion, logeant dans des conditions très sommaires, font office « d’experts », conseillent et accompagnent les touristes dans leurs déplacements avec les lions.
Le modèle économique est parfaitement huilé : les touristes, leurs clients, paient chers ces prestations qui attirent un nombreux public venant du monde entier ; les volontaires, leur main d’œuvre, sont motivés à investir leurs deniers personnels dans un programme aussi noble et ambitieux ; les mécènes, leurs financiers, venant des quatre coins de la planète, sont incités à faire des dons importants afin de pouvoir entretenir les espaces attribués aux lions lors de la phase 3, c’est-à-dire lors du pré-relâché sous contrôle.
Car l’objectif affiché qui convainc tous les participants, c’est bien la réhabilitation d’une espèce née en captivité pour la relâcher dans son véritable biotope : la savane sauvage.
Ce parc remporte un grand succès. D’autres ont vu le jour au Zimbabwe, mais surtout en Afrique du sud et quelques-uns en Namibie. C’est un marché florissant pour l’industrie de la pseudo-conservation !
Car vous l’avez compris, la conservation des lions est simplement un prétexte pour gagner encore plus d’argent. Mais si ce mode de fonctionnement vous attriste et confirme, s’il en était encore besoin, l’extrême cupidité de certains hommes, sachez que ce qui suit va vous révolter.
Les plus grands experts des félins vont pouvoir vous assurer qu’il est impossible de relâcher des jeunes lions nés en captivité, et « élevés » par des humains. Il n’est pas envisageable qu’ils puissent, dans la nature, retrouver certains instincts de chasse. Car leur mère ne les forme pas uniquement à l’art de la chasse, elle leur apprend surtout à se protéger, à mesurer le danger, à éviter d’approcher de trop près un groupe de lions ennemis, à refuser le combat lorsqu’il s’agit de défendre son repas face à une troupe de hyènes décidées à en découdre, à ne pas se laisser surprendre par un léopard aux aguets, etc…
Ce n’est pas après avoir fréquenté des volontaires ou des pseudo-experts qu’ils seront capables de survivre dans la nature hostile.
Alors, que font réellement ces organisations des lions adultes qu’ils n’arrivent pas à relâcher dans la savane ? Ils les vendent tout simplement à des entreprises dites de « chasse en boîte », qui organisent des safaris pour que leurs richissimes clients puissent abattre dans des enclos réduits ces magnifiques créatures.
Voilà la triste réalité de ces parcs de réhabilitation !
Alors que faire à notre niveau, quand on sait que même les gouvernements concernés ne font pas grand-chose pour arrêter cette industrie florissante, qui génère des revenus financiers importants et crée des emplois ?
Boycottez ! Ne vous laissez pas tenter par ces programmes odieux ! Ne cédez pas à l’envie de faire découvrir à vos enfants la relation artificielle avec un lionceau ! Hurlez votre dégout auprès des tours operators qui vous proposent d’inclure cette visite dans votre voyage ! Condamnez Tripadvisor qui met en avant ce genre de structures touristiques ! Renseignez-vous auprès de nous, d’autres ONG sur la pertinence des actions de conservation auxquelles vous aimeriez participer ! Ne cautionnez pas ces pratiques infâmes !