Cela fait plusieurs années que notre ONG, Wildlife Angel, se bat dans différents pays du continent africain pour protéger les espèces en danger d’extinction :
les rhinocéros, les éléphants, les félins, les primates.
Cela fait plusieurs années que nous sommes aux côtés des rangers, dans les savanes arbustives du Niger et du Burkina Faso, dans les forêts d’Afrique centrale ou dans les savanes arides de Namibie, à lutter contre des criminels de mieux en mieux organisés et armés.
Et cela fait des années que nous sensibilisons l’opinion, que nous multiplions les conférences pour attirer l’attention de tous sur cette disparition programmée des espèces les plus emblématiques qui peuplent encore notre planète.
Quand nous participons à des conférences, des événements, on se rend aisément compte que l’auditoire est ému par une situation que bien souvent il découvre. Beaucoup nous avouent ne pas être au courant de la dure réalité du crime faunique. Quand on énonce que 4 rhinocéros par jour sont abattus ou qu’un éléphant est massacré toutes les 15 minutes en Afrique, la plupart des gens restent interloqués. Malgré tout, l’opinion est en train de bouger et l’on sent bien un mouvement de fond dans la société civile ; et ce constat est surtout remarquable chez les jeunes. C’est ce qui nous donne confiance en l’avenir !
Si la prise de conscience est incontestable, il n’en demeure pas moins que tous ces massacres, ces rhinocéros défigurés pour leurs cornes soi-disant aphrodisiaques, ces éléphants massacrés pour en extraire quelques kilos d’ivoire et ces félins dont on récupère la peau pour en faire des symboles d’apparat et leurs os réduits en poudre pour en faire du vin asiatique, tous ces crimes sont bien loin de nous car perpétrés à des milliers de kilomètres de notre quotidien.
Ils n’ont pas lieu dans l’indifférence générale, pour nous autres occidentaux. Chaque fois que nous signalons sur les réseaux sociaux qu’un abattage a eu lieu, ceux qui nous suivent réagissent vigoureusement et réclament que cessent ces exactions. Deux entrefilets dans un journal qui défend cette cause, et puis on passe à autre chose, car le quotidien nous rattrape inexorablement et la priorité devient alors les problèmes sociaux, l’insécurité, le coût de la vie.
Pourtant, dès qu’un événement dramatique vient nous perturber dans notre quotidien, notre lecture en devient radicalement différente. Ce qui vient nous toucher au sein même de notre vie a un impact sans commune mesure avec un acte qui se réalise à des milliers de kilomètres.
Qu’un rhinocéros blanc se fasse abattre à quelques kilomètres de Paris, dans un parc où il vit en captivité depuis des années, parmi quelques congénères, et le monde de la protection animale, de la conservation, et plus généralement des amis des animaux, vacille !
Comment peut-on s’attaquer à un être sans défense, surpris dans son sommeil, alors qu’il paie déjà chèrement son statut d’ambassadeur car il n’a jamais connu ni ne connaîtra jamais la liberté ? Venir chercher une corne dans un parc animalier peut apparaître aux yeux des néophytes comme un non-sens, un événement improbable. Et pourtant …
Comment peut-on penser que des criminels sans foi ni loi ne peuvent pas saisir l’opportunité qui se présente, de venir chercher un butin aussi facile à l’intérieur même d’un endroit qui a été conçu pour empêcher qu’un animal ne sorte de sa cage et non l’inverse ?
La plupart des tabloïdes européens ont souligné cette première. Même les journaux télévisés du 20 heures ont signalé ce crime et ont consacré plusieurs minutes à interviewer les responsables du parc de Thoiry ou les enquêteurs concernés. Comme d’habitude, nous avons entendu des pseudo-experts nous expliquer que le mode opératoire utilisé par les assassins du rhinocéros de Thoiry est typique du braconnage en Afrique et d’une filière organisée, que ceux qui ont perpétré ce crime l’ont assurément fait ailleurs, qu’il s’agit de véritables professionnels du crime. Seuls nos enquêteurs seront capables de confirmer ou d’infirmer ces dires au terme d’une enquête qui s’avère complexe.
Quoi qu’il en soit, cet émoi provoqué dans l’opinion publique européenne, et même au-delà de notre vieux continent, peut être l’étincelle qui va initier un mouvement de réaction et d’implication dans les actions de protection de la faune sauvage dans les pays concernés. Souvenons-nous de Cecil, le lion du Zimbabwe, abattu lâchement par un riche dentiste américain ! Sa mort a provoqué des réactions virulentes à travers le monde, entrainé des prises de positions très marquées par la plupart des gouvernements occidentaux, et a conduit sur le terrain à des interdictions d’importation de trophées pour certains pays. Ainsi, comme dans le cas de la tragédie Cecil, il se pourrait bien qu’il y ait un « après Vince », du nom du rhinocéros massacré à Thoiry il y a quelques semaines.
Le combat de notre ONG, Wildlife Angel, est au côté des rangers africains qui se démènent tous les jours pour protéger la faune sauvage et empêcher les assauts répétés de ces organisations criminelles. Mais nous devons œuvrer également en France pour sensibiliser l’opinion et provoquer une prise de conscience auprès des parcs français qui possèdent des espèces ciblées par les criminels. Il est plus que temps de prendre toutes les mesures nécessaires afin d’assurer la sécurité de nos rhinocéros, éléphants et fauves captifs. Mais cela fera l’objet d’une prochain article.