Quatre braconniers supposés ont été abattus et trois autres ont été blessés depuis le mois de décembre 2016 dans le Bwabwata National Park, le parc national situé sur la bande de Caprivi, dans l’est de la Namibie. Les unités anti-braconnage sont, semble-t-il, passées à la vitesse supérieure pour lutter contre les criminels qui pillent le parc depuis quelques années. Les populations de rhinocéros et d’éléphants ont payé un lourd tribut en un laps de temps somme toute assez court. Le ministre namibien de l’environnement se félicitait encore la semaine passée des résultats obtenus.
Un manque important de formation à l’anti-braconnage
A plusieurs reprises nous avons proposé au gouvernement de reprendre en main une partie de la formation des troupes sur le terrain. On nous a clairement fait comprendre que les équipes n’avaient pas besoin de notre aide car elles étaient essentiellement composées de militaires et de policiers, rompus aux techniques de patrouilles et d’intervention dans le bush.
Pourtant, des personnes habituées à fréquenter les réserves du nord-est de la Namibie nous ont confirmé à plusieurs reprises que leur constat était sans appel quant au manque de professionnalisme des unités en question. La proposition que nous avions faite il y a deux ans s’appuyait en fait sur plusieurs observations réalisées dans le parc et une étude factuelle sur les équipes anti-braconnage.
Pour avoir vu récemment agir certains opérateurs de réserves privées namibiennes, je me suis bien rendu compte qu’ils n’étaient pas sûrs d’eux et qu’ils pouvaient être dangereux. J’ai toujours redouté quelqu’un possédant une arme et qui a peur parce que pas assez formé et entraîné !
L’amère réalité
Mercredi 15 mars 2017, une famille de Windhoek a accusé de tentative de meurtre les membres d’une unité anti-braconnage dans le parc national de Bwabwata.
La famille, composée de quatre personnes, Harald Keil (33 ans), son épouse Teresa (33 ans) et leurs deux filles, Alexia, trois ans, et Caytlin, deux ans, étaient en vacances dans la région de Caprivi (la bande de terre qui part de la Namibie et s’enfonce dans le cœur de l’Afrique australe, séparant l’Angola au nord et le Botswana au sud). Cette zone est malheureusement connue des Français car trois jeunes compatriotes avaient trouvé la mort en janvier 2000, abattus par une dizaine d’hommes en uniforme, surgis des herbes longeant la route, et qui avaient tiré sur le véhicule.
Ce mercredi après-midi, vers 15h00, globalement sur la même route où les touristes français avaient trouvé la mort dix-sept ans plus tôt, les membres de la famille revenaient d’un safari dans la réserve lorsqu’ils sont tombés sur un groupe d’individus armés.
Des comportements accablants
Selon Sébastien Ndeitunga, inspecteur général de la police namibienne, l’unité anti-braconnage suivait les traces de braconniers présumés lorsqu’ils sont tombés sur la voiture de la famille. L’intention des gardes était de stopper le véhicule pour le fouiller. Or le conducteur ne s’est pas arrêté. Ils ont alors pensé qu’il devait être impliqué dans une activité illégale et ils ont ouvert le feu en visant les pneus de la voiture. Le véhicule ne s’arrêtant toujours pas, ils ont tiré sur le 4×4 lui-même et c’est un éclat de vitre cassée qui aurait blessé gravement l’enfant de 3 ans. La famille a continué sa route pour s’arrêter finalement à un poste de contrôle à proximité. Quelques heures plus tard, Teresa et ses deux filles étaient transportées par avion à Windhoek, Alexia ayant subi une grave blessure à la tête pendant l’accrochage.
« Le père a paniqué quand il a vu les opérateurs anti-braconnage armés, parce qu’il n’a pas été correctement informé sur les forces de sécurité présentes à cette époque dans le parc national » a déclaré Ndeitunga. Il a indiqué que la famille était entrée dans le parc pour observer la faune sauvage, mais que cette information n’avait pas été communiquée à l’unité anti-braconnage.
« Il n’y a pas eu de coordination entre les responsables du tourisme et l’unité anti-braconnage au sujet de la présence de la famille dans le parc. C’est un incident regrettable et malheureux, mais nos hommes avaient des soupçons raisonnables » a-t-il ajouté.
La version de Harald Keil diffère quelque peu.
« Nous avons passé environ cinq heures dans le parc et, à notre retour, nous sommes tombés sur des hommes armés, certains vêtus en civil, d’autres en tenue militaire.
Ils ont bloqué la route, 10 à 15 hommes avec des fusils, et ils nous ont encerclé. Ils n’ont pas répondu quand j’ai demandé ce qui se passait. Aucun n’a été capable de me montrer un identifiant prouvant qu’ils étaient de la NDF (Namibian Defense Force) quand je leur ai demandé.
Ils nous ont ordonné de sortir de la voiture très agressivement, ont commencé à ouvrir les portes, et j’ai alors eu peur pour ma famille. J’ai démarré aussitôt et c’est alors qu’ils ont commencé à tirer. Une balle a frappé ma fille de trois ans dans la tête. Elle demeure dans un état critique à l’hôpital. »
A ce moment de l’enquête, on ne sait toujours pas combien d’agents ont été impliqués et combien de coups de feu ont été tirés. Les investigations se poursuivent à l’heure actuelle pour répondre à toutes ces questions.
Le tourisme dans le parc
Sébastien Ndeitunga a déclaré : « Les touristes nationaux et les visiteurs étrangers devraient se sentir en sécurité dans les parcs nationaux et qu’ils doivent être informés de la présence d’unités anti-braconnage opérant dans les parcs. Une bonne coordination entre le ministère du tourisme et les équipes d’intervention devrait être assurer. On devrait leur dire quand les touristes entrent dans les parcs. Nous devrions être informés alors que nous collaborons avec le ministère du Tourisme. »
Le ministre du Tourisme, Pohamba Shifeta, n’a pas voulu commenter l’incident de ce mercredi.
Malgré ce qu’en disent les responsables de la police namibienne, les touristes étrangers, fréquentant les parcs nationaux d’Etosha mais surtout de Bwabwata, devront faire preuve de vigilance, car ils craignent désormais plus des unités anti-braconnages que des braconniers. Et oui, le discernement n’est certainement pas une des qualités qui caractérisent ces troupes. Pour les avoir fréquentés et observés, les opérateurs anti-braconnage sont beaucoup plus sûrs d’eux face à un couple avec deux enfants que face à un groupe organisé de braconniers. Encore une fois, la maîtrise des émotions et des peurs est un élément déterminant auprès de forces chargées de la protection, en particulier celles qui interviennent auprès du public.
Pourquoi, lorsqu’on déploie une formation sur le terrain, insistons-nous plus sur la sécurité dans la manipulation des armes que sur la performance au tir avec les équipes anti-braconnage ?