Un accrochage qui a mis le feu aux poudres
Le lundi 17 avril, des braconniers sont tombés dans une embuscade tendue par des gardes forestiers dans la réserve de Pama sud située dans l’extrême sud du Burkina Faso, à la frontière avec le Bénin.
Les braconniers pris en flagrant délit ont aussitôt ouvert le feu sur les agents de la faune qui ont immédiatement ripostés. Malheureusement un des braconniers a été atteint mortellement au cours de l’échange de tirs. Les délinquants venaient d’abattre trois antilopes (des cobs de Buffon) et étaient entrés illégalement dans la zone.
La population locale a vivement réagi à l’annonce du décès du braconnier qui était très connu dans les villages alentour, et des manifestants en colère ont saccagé avant d’incendier le campement de Pama sud et le poste forestier de Nadiagou, représentant le Ministère de l’environnement.
La situation dans la soirée était tendue et les Forces de défense et sécurité en état d’alerte. Les agents forestiers de Nadiagou ont été invités à regagner rapidement la Kompienga ou Pama par mesure de sécurité. Des concertations ont été engagées par les autorités provinciales de la zone concernée. En effet, les actes de braconnage, pour l’ivoire des éléphants ou pour se procurer de la viande, sont des préoccupations réelles dans cette localité.
Un haut responsable forestier a en outre confié ne pas comprendre l’attitude hostile des populations parce qu’en premier lieu, les comités villageois de gestion de la faune qui travaillent étroitement avec les concessionnaires de chasse et toute la communauté, bénéficient des retombées.
Il semblerait que des meneurs locaux aient essayé d’enflammer la population en s’appuyant également sur un nombre d’orpailleurs présents, qui n’apprécient pas de se faire pourchasser par les gardes forestiers lorsqu’ils pénètrent dans les réserves pour chasser illégalement.
Après avoir détruit les établissements, les manifestants ont décidé de se rendre plus haut et d’attaquer les réserves de Pama centre sud et de la Zone présidentielle. Heureusement les autorités ont réagi rapidement en envoyant des brigades de gendarmerie protéger les zones en question. Quarante-quatre personnes ont été interpellées mardi, après ces manifestations de violence.
Depuis plus d’un an maintenant, la situation s’est tendue considérablement dans la région.
Retour un an en arrière
En février 2016, de nombreux articles de la presse burkinabé repris d’ailleurs par certains journaux français annonçaient une véritable ruée vers l’or dans la région sud du Burkina Faso.
Le site d’orpaillage artisanal de Tindangou dans la commune de Pama, ouvert seulement il y a 2 semaines, suscite déjà des inquiétudes sur le plan environnemental et social, avec l’arrivée par milliers de personnes, à la recherche du métal jaune. Situé seulement à 3 km de la forêt classée qui regroupe la plus grande population de buffles d’Afrique de l’Ouest, la soif de l’or ne sera pas sans conséquence pour cette réserve faunique.
« Nous avons été surpris par la marée humaine que nous avons trouvée. Nous tentons avec l’administration de circonscrire les lieux et pour contenir les orpailleurs dans leur site. Mais nous sommes inquiets…», a déclaré le concessionnaire de la réserve de Pama Centre Sud, Benjamin Bassono. Pour lui, le patrimoine environnemental est sérieusement menacé. En moins de deux jours, ils ont appréhendé plus d’une dizaine de personnes dans la réserve qui venaient chasser ou couper illégalement du bois.
« C’est une situation assez critique et il faut tout faire pour sauver le seul bloc de faune qui reste en Afrique de l’Ouest », soutient M. Bassono. Pour lui, il faut purement et simplement fermer ce site. Cette installation des activités des orpailleurs est une très grosse menace pour la faune ouest africaine. La survie des animaux sauvages est menacée. Les autorités sont très inquiètes.
La grande inquiétude des défenseurs de la faune reste sans doute l’usage imminent du cyanure et du mercure qui pourraient intoxiquer les rares points d’eau fréquentés par les animaux sauvages. A cela, la probable souillure de la nappe d’eau souterraine qui va décimer les troupeaux de buffles et autres animaux sauvages qui peuplent la réserve de Pama jusqu’à la zone présidentielle de tourisme cynégétique.
Aujourd’hui, le « village » des orpailleurs se compose de plus de 15 000 personnes. A l’instar de ce qui s’est passé en Californie il y a cent cinquante ans, on retrouve toute une économie qui se développe autour du site d’extraction, composé d’orpailleurs sauvages qui travaillent sans le moindre permis dans des conditions de danger extrême.
Les réserves fauniques qui existante autour de ce site construit il y a seulement un an sont en grave danger et les autorités sont tout à fait conscientes de la menace réelle qui pèse sur tout l’écosystème de ces réserves. Le danger ne se résume pas simplement à l’utilisation du mercure et du cyanure sur le site. Le besoin en nourriture des populations est tel que des chasseurs opportunistes locaux réalisent des incursions dans les réserves pour abattre du gibier et faire ensuite leur commerce auprès des orpailleurs friands de viande de brousse. Le braconnage va prendre des proportions sans précédent dans des zones qui contienne le plus grand nombre d’animaux sauvages du Burkina Faso.
La situation reste donc très tendue dans cette zone et le Ministère de l’environnement et la Direction des Eaux et Forêts redoutent le pire.