Une opération anti-braconnage qui a mal tourné
Un guide de chasse italien, Claudio Chiarelli, à droite sur la photo, et son fils Max ont été abattus dans le parc national de Mana Pools au nord-est du Zimbabwe. Participant à une opération conjointe avec une unité anti-braconnage du parc, ils ont été pris pour des braconniers par une autre unité patrouillant dans la zone.
Ces deux citoyens italiens naturalisés zimbabwéens âgés de 65 et 28 ans étaient appréciés dans l’industrie de la chasse au Zimbabwe. Ils avaient l’habitude, comme de nombreux particuliers habitant le pays, d’aider les activités anti-braconnage en fournissant un soutien logistique aux opérations. Ce jour-là, dimanche 13 mars 2016, ils avaient utilisé leur véhicule Toyota land cruiser pour assister une patrouille.
L’incident a créé de nombreuses vagues au sein de la communauté à laquelle ils appartenaient, et quelques questions demeurent aujourd’hui sans réponse.
Le directeur général du Zimbabwe Parks and Wildlife Management Authority a déclaré que les deux Italiens ont été tués par des Rangers appartenant à une autre unité que celle qu’ils accompagnaient.
Ce qui s’est passé
Une équipe de rangers spécialisés dans la lutte anti-braconnage suit depuis quelques jours la piste fraîche de braconniers. Le jour même, ils entendent des coups de feu dans une zone fréquentée par des éléphants, non loin des rives du Zambèze. Ils poursuivent la piste et aperçoivent certains mouvements inquiétants à proximité. Ils entendent des voix, s’embusquent et font irruption dans un endroit où ils surprennent des individus à proximité d’un véhicule. Ils ouvrent aussitôt le feu en direction du groupe qu’ils prennent pour des braconniers. C’est après ces tirs qu’ils aperçoivent des éléments d’une autre unité anti-braconnage qui accompagnait en fait les deux personnes abattues.
Les deux rangers responsables des coups de feu et donc de la mort des deux ressortissants italiens ont été arrêtés par la police et interrogés afin de comprendre ce qui s’est réellement passé ce dimanche après-midi, au coeur du bush zimbabwéen. Ils sont susceptibles d’être inculpés d’homicide volontaire.
Les journalistes qui conduisent l’enquête assurent que les troupes anti-braconnage sont depuis quelques mois sur les dents car ils ont subi une très grosse pression depuis la mort tant médiatisée du lion Cecil et des massacres d’éléphants qui ont suivi.
Quelles leçons en tirer ?
Au stade de l’enquête en cours, il est très difficile d’avancer une quelconque explication de cet accident tragique. Il n’en demeure pas moins que deux hypothèses sont en train de circuler dans les milieux concernés par cette affaire.
Première hypothèse, la plus probable selon moi. Il s’agit véritablement d’un accident, d’une méprise de la part des rangers et cela ne doit étonner personne. Cela fait des années que je sensibilise l’opinion sur la nécessaire formation des forces anti-braconnage des différents pays concernés. D’abord, mon discours insiste sur le manque de préparation des unités, de leur organisation, de leur management et des compétences des opérationnels sur le terrain. Les personnels doivent être formés aux réalités du terrain, certes, à la menace qui a changé et qui est de plus en plus violente, nous sommes d’accord. Mais l’accent doit être également mis sur leur maîtrise des armes et leurs réactions au contact.
Et malheureusement, ce cas précis, s’il s’agit bien évidemment d’un accident, reflète bien le manque de maîtrise des réactions des personnels lorsqu’ils sont au contact du danger. Dans nos formations sur la manipulation des armes et des règles de tir, nous insistons en particulier sur un point :
« Etre sûr de la cible et de son environnement. »
Manifestement, cette règle n’a pas été appliquée dans un tel cas !
L’explication de cet acte regrettable réside donc dans le manque de compétences et d’entrainement des rangers, ce que Wildlife Angel dénonce depuis toujours.
Seconde hypothèse, plus complexe à comprendre mais que certaines personnes au courant du dossier semblent avancer. Claudio Chiarelli et son fils étaient deux chasseurs professionnels connus dans le pays. Leur entreprise organisait chaque année des safaris touristiques et cynégétiques à l’intention de leurs clients européens. En 2006, on avait parlé de Mario Chiarelli car il avait perdu, lors d’un safari chasse, un client italien piétiné et tué par un éléphant. Or, depuis l’affaire du lion Cecil et du dentiste américain qui a profité de la complicité de son guide de chasse zimbabwéen, les rapports entre les guides de chasse professionnels et les unités anti-braconnage se sont un peu tendus. Doit-on y voir une affaire de vengeance ou de règlement de compte sur fond de guerre de l’ivoire ?