Zambezi est le nouveau nom que les autorités namibiennes ont donné à l’ancienne bande de Caprivi. Cette région est fort connue car son climat est bien moins sec que l’ensemble du pays. C’est sur cette langue de terre entre Angola et Botswana, mais aussi Zambie, que l’on trouve la plus grande population d’éléphants du pays. Plus de 10 000 y résident sans compter les milliers qui transitent d’un pays à l’autre.
Mais la présence de ces immenses troupeaux d’éléphants s’accompagne inéluctablement d’une forte progression du braconnage depuis ces cinq dernières années. Des gangs de trafiquants d’ivoire profitent de la perméabilité des différentes frontières pour aller et venir sans se faire attraper par les gardes frontière ou les rangers.
Une journaliste d’investigation chinoise, Shi Yi, s’est récemment rendue à Katima Mulilo, la capitale régionale, pour essayer de trouver des produits d’ivoire de contrebande. Elle raconte dans un article comment elle a réussi à se faire passer pour un acheteur potentiel et combien elle a été surprise par le nombre de propositions qui lui ont été faites.
Et dans la même logique, elle a poussé ses investigations sur le marché d’Okahandja, petite bourgade situés à 80 km au nord de Windhoek, bien connue des touristes pour ses nombreuses échoppes de vente de souvenirs.
Shi Yi a été accostée à de nombreuses reprises par des locaux qui lui ont présenté des défenses entières ou des morceaux d’ivoire. Certains de ces trafiquants lui ont même proposé des griffes de lion pour la protéger des mauvais esprits, ce qui prouve bien que les vendeurs namibiens sont au fait des pratiques chinoises.
Et c’est bien là le problème ! Si les locaux sont si bien informés des pratiques de la population asiatique, c’est qu’ils la connaissent très bien car ils ont l’habitude de commercer avec elle. Shi Yi a d’ailleurs enquêté auprès de ses compatriotes installés à Katima Mulilo qui lui ont avoué avoir acheté certains « produits interdits ». Mais ils l’ont prévenu que, depuis peu, le gouvernement avait durci ses actions et qu’il y avait grand risque pour eux à s’impliquer dans de tels trafics.
Bien que la presse namibienne soit relativement discrète sur le sujet, de nombreux cas de braconnage impliquant des chinois sont révélés au grand jour depuis ces trois dernières années. La justice namibienne est rapidement passée des expulsions avec amendes aux peines d’emprisonnement, pour les ressortissants chinois compromis dans des affaires de trafic d’ivoire ou de cornes de rhinocéros. Même si les autorités désirent rester politiquement correctes, force est de constater que la courbe de progression du braconnage suit celle du nombre de chinois présents sur le territoire namibien. N’oublions pas que les relations entre les deux gouvernements (chinois et namibien) sont au beau fixe et que la Namibie n’a pas envie de se mettre à dos cet investisseur très intéressant, même si elle doit en payer le prix, celui de sa faune !
La pertinence de cette analyse réside précisément dans la qualité de la journaliste qui a conduit cette enquête. Ses contacts auraient été fort différents si elle n’avait pas été d’origine chinoise. On savait que le marché de la demande était évidemment en Chine. Mais on comprend mieux aujourd’hui l’efficacité de la filière quand il y a les mêmes intervenants des deux côtés de la chaîne.