Objectif : le lion !
Parmi les nombreuses réserves existantes en Afrique, il en est une qui est mondialement connue et qui ne cessera de faire rêver tous les aventuriers de la planète : le Masai Mara. Cette réserve située au sud de Kenya, et qui dépasse les 1500 km2, est en fait le prolongement du non moins célèbre Serengeti au nord de la Tanzanie. Souvenons-nous de certaines scènes mythiques d’Out of Africa qui ont été précisément tournées sur ce vaste territoire !
Aussi connue que le nom de la réserve, la rivière Mara qui la traverse a été une source d’inspiration pour de nombreux réalisateurs de documentaires animaliers. Nous gardons tous à l’esprit ces fabuleuses images de la migration de centaines de milliers de gnous et de zèbres, hésitant à dévaler les pentes abruptes avant de se jeter dans la rivière pour la traverser le plus rapidement possible en tentant d’échapper aux dents acérées des crocodiles à l’affût de chair fraîche !
Pour tous ceux qui visitent la réserve Masai Mara, l’objectif est de découvrir ces formidables prédateurs que sont les crocodiles, les léopards et les hyènes qui sont attirés chaque année par des populations énormes d’antilopes et d’équidés. Mais le grand frisson des visiteurs, c’est de voir le roi de la savane, sa majesté le lion.
Les organisations de safari présentes au Kenya mettent tout en œuvre pour que leur clientèle issue des quatre coins du globe puisse emporter avec elle des clichés plus étonnants les uns que les autres de cet animal emblématique. N’oublions pas que deux lions figurent sur les armoiries du Kenya !
Mais le futur s’assombrit pour les lions du Masaï Mara…
Cependant, le futur du lion est maintenant menacé par la destruction de son habitat au sein même de cette formidable réserve. Les scientifiques spécialisés en conservation et les ONG de protection de la faune ont prévenu que les lions du Kenya pourraient disparaître dans deux décennies.
La conversion des plaines en terres agricoles dans le Masai Mara étouffe un écosystème déjà fragile, et néanmoins vital pour la survie de nombreuses espèces, y compris les lions.
Depuis que la chasse aux trophées a été interdite au Kenya en 1977, on pensait que les réserves et parcs nationaux kenyans pouvaient se développer librement, sans risque pour leur faune sauvage. Mais la menace représentée par les chasseurs, à l’époque, a laissé la place à celle bien réelle des agriculteurs et éleveurs.
Selon de récentes statistiques, les étendues de savane auraient diminué de 75%, à la suite d’un envahissement massif par les populations humaines. Seules les zones marécageuses ont été épargnées pour l’instant. Mais les praires abondantes ont laissé la place à des exploitations fermières et des champs de pâturage.
Les herbivores sauvages voient leur territoire se rétrécir et ont tendance à changer d’horizon. Or les lions présents sur leur territoire dans le Masai Mara assistent à un remplacement de certaines antilopes ou zèbres par des espèces domestiques. Et c’est ainsi que naissent les conflits entre les hommes et les animaux sauvages.
La problématique entre les pasteurs Masais du Kenya et les éleveurs peuls d’Afrique de l’ouest est la même. Les êtres humains ont besoin de plus en plus d’espace pour leur bétail et ils n’hésitent pas à entrer dans les aires protégées pour permettre aux troupeaux de se nourrir et de s’abreuver. Pour un prédateur à la recherche de proies, il est bien plus tentant de s’attaquer à des chèvres ou des vaches sans défense, plutôt que de s’épuiser à courir derrière des zèbres ou risquer la réaction violente d’un buffle prêt à vendre chèrement sa peau.
La perturbation dans le comportement des groupes de lions est énorme. Quand ils ne font pas l’objet directement de mesure de rétorsion de la part des éleveurs, dont on parlera dans quelques instants, ils sont confrontés à des territoires qui s’amenuisent de plus en plus. Or un clan de lions a besoin d’espace pour s’exprimer. Les clans se retrouvent donc très souvent au contact les uns des autres et les conflits sont sanglants. Quand la situation devient intenable, certains groupes prennent la décision de quitter les zones de conflit pour se rendre dans le Serengeti, en Tanzanie, où l’espace est encore viable.
Les autorités de la réserve, conscientes de la situation actuelle et de la diminution de la population des lions, qui a été presque divisée par trois depuis ces dernières années, infligent des amendes financières lourdes aux éleveurs dont le bétail est présent sur les emprises de la réserve. Mais ces mesures ne sont pas suffisantes pour enrayer le déclin des lions.
Les touristes qui continuent à affluer dans ce parc qui représente tant à leurs yeux ne sont pas au fait de la situation de crise qui s’y déroule. Les organisations de safari ont établi des spots à lions qui leur permettent de faire converger les 4×4 et autres minibus remplis de visiteurs. Même s’il y a beaucoup moins de lions qu’avant, l’illusion est malgré tout entretenue et les devises continuent à entrer. Mais pour combien de temps encore ?
Une réalité bien dérangeante : l’empoisonnement des lions
La vérité est que les grands félins ont besoin de vastes zones à parcourir. Seuls quelques parcs et réserves de gibier peuvent satisfaire leur besoin d’espace, de proie et de protection. En dehors des zones protégées, le conflit avec les pasteurs est inévitable. Et leur nombre ne cessera de décroître tant que des mesures drastiques ne seront pas prises pour assurer leur protection.
En 2015, quatre lions ont été tués par des éleveurs dont le bétail pâturait illégalement dans le parc. L’examen post mortem pratiqué sur les quatre animaux et plus d’une douzaine de vautours, qui se sont alimentés directement sur les carcasses, a indiqué qu’ils avaient été empoisonnés. Des investigations en laboratoire ont permis d’identifier l’origine du poison : la molécule Carbofuran.
Au cours des dernières années, la chute rapide de la population des lions a été accélérée par l’utilisation d’un pesticide redoutable et bien connu des agriculteurs, dont la molécule Carbofuran est commercialisée sous le nom de marque Furadan par la société américaine FMC Corporation. Le pesticide a été mis sur le marché vers la fin des années 1960.
La production du pesticide s’est arrêtée depuis plus de dix ans maintenant et il est interdit dans la plupart des pays du monde, bien qu’il soit encore largement disponible au Kenya.
Les éleveurs ont utilisé et utilisent des carcasses ou de la viande empoisonnées au Furadan pour tuer les lions. Ils ont bien compris que ce poison était beaucoup plus létal que la lance traditionnelle pour combattre et exterminer les félins.
Ils ont besoin de plus en plus d’espace vital pour leur bétail et ils n’entendent pas le partager avec la faune sauvage.