Contrairement aux résultats du programme MIKE de la CITES (dont nous vous parlions ici en 2019) indiquant un ralentissement du braconnage des éléphants d’Afrique ces dernières années, une nouvelle étude publiée dans le journal Scientific Reports révèle que la réalité est tout autre. Dans leur papier, Scott Schlossberg et Michael J. Chase, tous deux travaillant pour l’ONG Elephant Without Borders (EWB) basée au Botswana, affirme que le phénomène du braconnage est toujours proche de son pic atteint en 2011, et ce malgré une baisse du prix de l’ivoire sur le marché noir. L’Afrique de l’Est apparaît comme la seule région où le braconnage est en baisse.
La forte vague de braconnage en cours aurait démarré autour de 2007 provoquant une diminution de 30 % des populations d’éléphants de savane entre 2007 et 2015. En comptant les deux espèces d’éléphants en Afrique – éléphant de savane (Loxodonta africana) et de forêt (Loxodonta cyclotis) –, on estime à 100 000 le nombre d’éléphants braconnés entre 2010 et 2012. Dans certains pays, la population de pachydermes a été décimée de plus de 50 % en moins de 10 ans.
Le rapport met aussi en évidence les problèmes posés par l’indicateur MIKE de la CITES (Convention sur le commerce international d’espèces de faune et de flore menacées), un indicateur dont nous parlions dans un précédent article. Cet indicateur de la CITES est calculé grâce aux données récoltées par les rangers lorsqu’ils découvrent une carcasse d’éléphant durant leurs patrouilles sur le terrain. La proportion d’éléphants abattus illégalement – en excluant les morts naturelles, les éléphants massacrés légalement pour la chasse aux trophées ainsi que les éléphants tués après avoir été classés comme « animal à problème » – est appelé le « PIKE ».
D’après la dernière publication du programme MIKE de la CITES en 2019, le PIKE aurait diminué de 31 % entre 2011 et 2018 sur l’ensemble des aires protégées prises en compte, ce qui laissait penser que le braconnage était en baisse sur le continent. Mais l’équipe de Scott Schlossberg pointe plusieurs problèmes relatifs au protocole de calcul utilisé par la CITES pour son indicateur MIKE :
- Le nombre de carcasses découvertes devrait idéalement être proportionnel à la taille de la population d’éléphants, or ce n’est pas le cas, ce qui crée des biais pour l’estimation du PIKE ;
- Le nombre carcasses découvertes varie d’année en année, le poids de chaque site varie également dans le calcul de l’indicateur PIKE, donc les changements du PIKE d’année en année ne peuvent pas être attribués seulement à des variations dans la pression du braconnage ;
- Un autre problème avec le programme MIKE de la CITES : les données manquantes. Entre 2003 et 2018, en moyenne 27 % des aires protégées répertoriées par le MIKE n’ont pas fourni de données sur les carcasses. Sans surprise, les données manquent surtout en Afrique de l’Ouest, une région particulièrement instable gangrénée le terrorisme.
En révisant les données du programme MIKE, l’équipe d’EWB n’a pas trouvé de tendance significative à la baisse ou à la hausse pour trois des quatre régions d’Afrique. Seule l’Afrique de l’Est montre une baisse importante entre 2011 et 2018.
Les éléphants évoluant dans des groupes de plus en plus isolés les uns des autres, dans des environnements fragmentés en raison du développement des infrastructures de transport, le risque augmente de voir beaucoup de petites populations éradiquées dans les années à venir.