La situation pour les lions en Afrique devient très alarmante. D’après des informations venant de Blood Lions, leur population à l’état sauvage aurait baissé de 43 % en seulement deux décennies, soit une réduction de près de la moitié des effectifs en seulement trois générations de lions.
Louise de Waal et Cath Jakins travaillant pour Blood Lions ont établi une classification des différents « types » de lions :
- Les lions sauvages dont il resterait moins de 20 000 individus, dont des populations très fragmentées et peu nombreuses en Afrique de l’Ouest (statut UICN « critique ») ;
- Les lions « conservés » ou « gérés » dans des réserves privées clôturées de taille moyenne à réduite où l’interventionnisme sur les animaux est important ;
- Les lions captifs qui seraient officiellement au nombre de 8 000 élevés dans 366 « fermes » en 2019, mais probablement plus proche de 12 000 d’après les informations de Blood Lions.
La croissance de la population de lions captifs en Afrique du Sud s’accélère et atteint un tel rythme qu’ils pourraient dans les années à venir dépasser le nombre de lions encore présents à l’état sauvage.
Blood Lions estime que chaque année, environ 200 lions vivants sont exportés légalement par l’Afrique du Sud vers la Chine, la Thaïlande et le Vietnam. La demande provient en premier lieu de parcs d’attraction suivis par les zoos puis par le marché d’animaux de compagne exotiques.
Afin de maximiser le rendement de la marchandise « lion », les propriétaires de ces usines d’un nouveau genre appliquent les techniques de l’élevage industriel. L’insémination artificielle des femelles est courante. Deux mois après leur naissance, les lionceaux à peine sevrés sont retirés de leur mère pour accélérer le cycle de reproduction. En temps normal, un petit reste 3 ans avec sa mère. Avec un temps de gestation de deux mois pour une lionne, ces techniques d’optimisation de la production empruntées à l’industrie permettent d’augmenter rapidement la population de lions captifs.
Les lionceaux arrachés à leur mère présentent des troubles psychologiques et physiologiques importants. Ils subissent un processus d’habituation pour les rendre familiers avec la présence d’humain et sont exploités pour servir de peluche vivante afin de divertir des touristes ignorants. Quand les lions ont environ six mois, les visiteurs peuvent effectuer des promenades en leur compagnie et lorsqu’ils atteignent l’âge adulte, les lions sont soit vendus comme trophée de chasse, soit abattus puis dépecés afin de récupérer les différentes parties.
Tout au long de la croissance des animaux, les problèmes de santé sont nombreux car le lion n’a pas encore été à proprement parlé « domestiqué » par l’homme pour en forcer l’adaptation à l’élevage. Rien n’est perdu quand un lion meurt prématurément, car tout est bon dans le lion. Les animaux sont dépecés pour en extraire les os, les griffes et la peau qui seront exportés principalement en Asie. Quoi de plus normal dans un système où la nature est considérée comme du capital ? Les aires protégées deviennent un « investissement », l’eau pure, l’air et la pollinisation deviennent des « services écosystémiques » et les animaux sauvages des « marchandises ». Cette logique d’exploitation et de domestication de la nature, l’Afrique du Sud en veut en être une pionnière. En 2019, le ministère de l’environnement a changé le statut du lion d’ « animal sauvage » à « animal de ferme » dans le Animal Improvement Act, autorisant ainsi les modifications génétiques afin maximiser les profits des éleveurs. Cette récente évolution de la réglementation sur la faune sauvage a modifié le statut de plus d’une trentaine d’espèces – zèbre, rhinocéros blanc et noir, guépard, etc.
Pour tromper les touristes se rendant dans ces usines à lions, la « conservation » de l’espèce est souvent mise en avant. Mais ces lions captifs ne pourront jamais être relâchés. Arrachés trop jeunes à leur mère, ils n’ont pas joué avec leurs frères et sœurs alors que cette étape tient une place déterminante dans l’apprentissage des techniques de chasse. De même, ces jeunes lions n’ont jamais eu l’occasion de chasser en compagnie de leur mère et d’autres lions plus expérimentés, ils seront incapables de capturer quoi que ce soit et finiraient certainement pas mourir de faim ou par se faire tuer. Car ils ne connaissent pas le langage des lions et ne percevront pas le danger lorsqu’ils entrent sur le territoire d’une troupe concurrente, encore moins les autres dangers venant de la civilisation – humains, routes – et de la brousse – éléphant, buffle, rhinocéros, crocodile, hippopotame, etc. Les scientifiques considèrent que les êtres humains ne sont pas les seuls êtres vivants à être dotés de la capacité d’un apprentissage social, de créer et transmettre des connaissances aux futures générations.
Preuve que l’Afrique du Sud semble bien engagée dans une transformation de son économie vers l’industrialisation de l’exploitation des animaux sauvages, d’autres félins – léopard, guépard, servals, caracals, tigre, jaguar et puma – sont élevés puis exportés vers des parcs d’attraction. Des croisements entre espèces sont également réalisés.