De plus en plus de personnes s’accordent à dire que le rôle des rangers dans le combat contre la dévastation des territoires sauvages est déterminant, mais beaucoup ignorent quel est le rôle concret du ranger sur le terrain. On vous en dit plus sur les missions du ranger.
Occuper le terrain
D’après notre expérience et nos observations, occuper le terrain reste encore la meilleure manière d’empêcher la dégradation des milieux naturels et le braconnage de masse. Les rangers ne sont pas une force militaire, ils dépendent la plupart du temps du ministère de l’environnement. Leur objectif n’est pas de détruire l’ennemi, mais de protéger et défendre, d’incarner une force dissuasive et de faire respecter la loi. Cependant, ils ont l’autorisation d’utiliser leur arme en cas de légitime défense.
Abattre sans distinction les intrus pénétrant une aire protégée – la politique du « shoot-to-kill » – semble avoir les faveurs d’une partie du public. Non seulement cette politique détestable existe depuis déjà des décennies dans certaines aires protégées financées par des mastodontes de la conservation, mais en plus elle n’a jamais fonctionné pour freiner le braconnage, et elle contribue surtout à envenimer la situation avec les populations locales. Pour ne rien arranger, ce sont les rangers et leurs familles qui subissent les représailles, pas les donneurs d’ordre et initiateurs de cette politique, ni les financeurs, encore moins les rambos de bac à sable appelant sur les réseaux sociaux à tirer sur tous les bipèdes.
Suivi des animaux à risque
Les rangers effectuent des patrouilles dans la brousse afin d’étudier les empreintes laissées par les animaux et détecter leurs habitudes. Le repérage des chemins empruntés pour leurs déplacements, les lieux de rassemblement (points d’eau, etc.), toutes ces connaissances accumulées par les rangers sur des milieux naturels où ils passent beaucoup de temps sont précieuses pour les scientifiques, mais aussi pour combattre le braconnage. Il est par exemple possible de cartographier la zone à protéger avec un GPS et d’y renseigner les données sur les animaux.
Patrouilles de surveillance
Il s’agit ici de quadriller les zones sensibles fréquentées par des animaux particulièrement visées par les braconniers, comme les rhinocéros ou les éléphants. Durant les patrouilles de surveillance, les rangers mettent également l’accent sur les axes de communication comme les routes ou les rivières. Les routes facilitent grandement le travail des braconniers en leur fournissant un accès direct à la forêt ou à la brousse, ils peuvent frapper rapidement et s’échapper avant que les rangers n’arrivent sur place. Des points de regroupement tels que les montagnes et les marais sont souvent choisis par les assaillants, car ils s’y savent en sécurité. C’est pourquoi il faut optimiser l’occupation du terrain. Les patrouilles de surveillance constituent également le seul moyen de retirer les nombreux pièges disposés par les braconniers dans la brousse et fabriqués à l’aide de câbles récupérés sur des pneus, des vélos, des motos et même des clôtures servant à délimiter les aires protégées.
Comptage des animaux
Outre le suivi éthologique évoqué plus haut, les rangers peuvent aussi être amenés à avoir des missions de comptage des populations d’animaux présentes dans la réserve. Ce comptage est réalisé soit à pied en utilisant des transects pour réaliser un échantillonnage de zone, il peut aussi être réalisé par voie aérienne.
Soins et études des animaux
Les rangers ont pour mission de repérer les carcasses d’animaux morts, de récupérer les défenses et les cornes, respectivement sur les éléphants et les rhinocéros. La viande des carcasses peut soit être distribuée aux populations, soit brûlée, cela dépend de la politique des autorités qui varie selon la région. Les rangers sont chargés également de faire un ramassage des animaux blessés et, quand c’est possible, de faire appel au vétérinaire de la réserve pour les soigner.
L’indicateur MIKE de la CITES évaluant la pression du braconnage dans différentes zones en Afrique est par exemple calculé grâce à ces données. Pour les espèces sensibles comme le rhinocéros ou l’éléphant, nous enseignons aux rangers une procédure de type « scène de crime » pour détecter et éviter de détruire les indices, mais aussi pour récolter des informations qui peuvent servir dans un second temps à retrouver les braconniers. On peut aussi leur confier la mission de protéger les scientifiques menant des travaux de recherche dans des zones à risque. Les rangers assistent les chercheurs lors d’opérations de capture, que ce soit pour l’étude d’une population en particulier ou pour déplacer des animaux.
Intervention rapide ou Quick Reaction Force (QRF)
Comme son nom l’indique, il s’agit ici d’une des missions les plus périlleuses du métier de ranger, a fortiori dans des zones où les groupes rebelles armés pullulent. L’objectif ici consiste à mettre en place des procédures afin de se rendre le plus rapidement possible sur une zone où une activité suspecte a été détectée : coup de feu, présence de braconniers potentiels, présence d’un feu de camp, etc.
Vie au camp
Autre aspect méconnu du quotidien du ranger : la vie au camp de base. Il faut entretenir les lieux pour les garder propres et en état. Dans certains pays, la saison des pluies fait beaucoup de dégâts sur les lieux de campement et sur les pistes, s’en suivent des réparations indispensables souvent effectuées par les rangers. Des travaux de maintenance s’avèrent aussi nécessaires sur les véhicules et l’armement.
Maintien des acquis
Des exercices réguliers sont essentiels au maintien des compétences et de l’efficacité d’une équipe de rangers dans le temps. Avec de longues journées de marche, que ce soit sous un soleil de plomb ou sous des trombes d’eau, des semaines de travail de 90 heures en moyenne – dont 52 heures la nuit –, les rangers doivent entretenir leur condition physique : renforcement musculaire, travail de l’endurance, etc.
Les « drills » – exercices répétant les procédures apprises durant la formation – réguliers servent à fabriquer des automatismes chez les rangers afin de maintenir un niveau d’efficacité maximal lors d’une situation d’urgence : embuscade, déplacement tactique, premiers secours, arrestation difficile d’un braconnier, etc.
Malheureusement, les rangers n’ont bien souvent pas le temps pour ces drills et manquent cruellement de moyens pour s’entraîner régulièrement au tir par exemple. Notre travail à Wildlife Angel consiste à remédier à ce genre de problème en effectuant un suivi pour améliorer les conditions de travail des rangers et leur efficacité sur le terrain.
Travail de sensibilisation
Un autre aspect primordial souvent ignoré, c’est le contact avec les populations locales. Afin d’inclure un maximum ces dernières dans la protection de la faune sauvage, nous privilégions le recrutement des rangers parmi les communautés villageoises vivant aux abords des aires protégées. Quand les rangers font partie de la même ethnie, parlent la même langue, partagent la même culture que les communautés locales, établir le dialogue, effectuer un travail de sensibilisation et construire un réseau d’informateurs devient plus aisé. Les rangers doivent aussi entretenir de bonnes relations avec les autorités locales : maires, chefs coutumiers, prêtres et imams.