Qu’est-ce qu’un pangolin ?
Le pangolin est un animal très étrange, dont le corps recouvert d’écailles n’est pas sans rappeler l’ankylosaurus de la préhistoire, un dinosaure cuirassé. C’est un mangeur de fourmis et de termites, et, selon l’espèce, on peut le retrouver du Sénégal au Gabon pour l’espèce « géante » et en Afrique orientale et australe pour l’espèce la plus commune du Cap. Il existe en fait huit espèces de pangolins, quatre en Afrique et quatre en Asie.
Toutes les surfaces exposées de son corps sont armées de plaques cornées qui s’imbriquent les unes dans les autres comme les tuiles d’un toit. Ces plaques sont renouvelées périodiquement et lui assurent une protection très efficace lorsqu’il se met en boule pour se protéger. Il est ainsi pratiquement inattaquable par un prédateur.
Nous devrions nous réjouir et remercier la nature d’avoir conçu un être vivant quasi indestructible, capable de vivre sa vie tranquillement à rechercher des termites grâce à son odorat très développé, sans crainte des attaques des fauves qui rodent à la recherche de proies.
Pourtant, … le pangolin est le mammifère le plus menacé du continent africain. Certaines ONG de protection de la faune le placent en situation de quasi extinction. Comment est-il possible que cette espèce très répandue à travers le continent africain mais aussi en Asie soit à ce point en danger ? Nous allons en voir les raisons.
Toutes les 5 minutes, un pangolin est capturé en Asie ou en Afrique. Plus d’un million de pangolins ont été braconnés au cours de la dernière décennie dans le but de répondre aux nombreuses demandes en viande et en écailles de la Chine et des pays d’Asie du Sud-Est, ainsi qu’à la demande sans cesse croissante de viande de brousse en Afrique
Les pangolins braconnés pour les consommateurs asiatiques
Si l’on écoute certains spécialistes du sud-est asiatique, la chair du pangolin est si tendre et si goûteuse que cela en fait un des mets festifs les plus appréciés. Une organisatrice d’événements locaux se vantait récemment du goût «spécial» du riz frit avec le sang de l’animal et de la «richesse» de la soupe de pangolin. Lors de banquets à Nanning, la capitale de la région du Guangxi, les fonctionnaires locaux ont l’habitude de se voir servir de la viande de pangolin et en offrent aux investisseurs venant de Hong Kong. En bordure du Vietnam, cette région est très connue pour la contrebande de pangolin. Mais au-delà des qualités gustatives de la chair de l’animal, c’est surtout pour ses propriétés médicinales qu’il est recherché. En effet, les médecines traditionnelles chinoise et vietnamienne ont depuis longtemps prescrit, et continuent toujours, les écailles de pangolin pour guérir de dermatoses et d’allergies, améliorer la circulation du sang et stimuler la sécrétion de lait maternel. Dans une application plus récente, on l’utilise même pour guérir le cancer.
Des journaux, ayant pignon sur rue en Chine, n’hésitent pas, aujourd’hui, à remettre ouvertement en cause ces croyances infondées. Un journaliste chinois engagé écrivait récemment : « L’efficacité des écailles de pangolin a été dénoncée par de nombreux praticiens de la médecine traditionnelle chinoise. En fait, des tests pratiqués sur une douzaine d’écailles ont prouvé qu’elles étaient moins efficaces que la soupe aux haricots verts, et que et la viande n’était pas aussi riche que le bœuf ou l’agneau ».
Les Africains aussi apprécient la chair et les écailles de pangolin
Les Africains tiennent compte également des vertus médicinales et magiques des écailles et de la viande de pangolin. En Afrique de l’est, on brûle les écailles car la fumée est censée éloigner les lions et fortifier le bétail, tandis que la possession d’écailles fait fuir les mauvais esprits et attire les bons génies.
Les Zoulous pensent que les pangolins annoncent la sécheresse et qu’il faut donc les tuer pour éviter que la région ne souffre. Eux aussi utilisent les écailles comme talismans qui ornent très souvent les tenues traditionnelles. Au Zimbabwe, il est de coutume d’offrir à un chef ou à un responsable local un pangolin pour sa consommation. Le président Mugabe s’est vu très souvent offrir de nombreux exemplaires pour renforcer son pouvoir. Au Congo et au Gabon, sa chair est particulièrement appréciée, et proposer à ses convives un repas à base de pangolin est un acte gratifiant. Au Nigéria, c’est la viande de brousse la plus appréciée, et dans de nombreuses ethnies, il est considéré comme un « juju », c’est-à-dire un gri-gri qui protège les âmes. Certaines parties de son corps (cœur, intestins, tête) sont considérées comme capables de soigner l’asthme et quelques affections cardio-pulmonaires.
La journée internationale du pangolin pour sensibiliser
La journée mondiale du pangolin est un événement célébré chaque année, le troisième samedi du mois de février. L’objectif est de sensibiliser le grand public sur les méfaits du braconnage des pangolins et de présenter les mesures mises en œuvre pour empêcher l’extinction complète des espèces. L’année 2016 a été une année spéciale pour les manidés : toutes les huit espèces de pangolins ont été inscrites à l’Annexe I lors de la 17e conférence des parties à la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES). Cela signifie que le commerce international de toute forme de pangolin est strictement interdit. Les autorités et les médias chinois ont profité de cette journée spéciale pour intensifier leurs efforts afin de décourager les gens de manger l’animal et de les persuader de l’absence de valeur médicinale.
Des spécialistes ont récemment souligné que les résultats présentés par les ONG, qui dénoncent l’extinction probable de cette espèce, étaient surévalués, arguant du fait que l’IUCN classait les 4 espèces de pangolins africains uniquement comme « Vulnérable » (voir schéma suivant) et qu’il ne fallait donc pas exagérer la situation.
Il est vrai que les 4 espèces asiatiques sont classifiées en danger critique et les africaines « seulement » vulnérables. Pourtant, c’est exactement le même phénomène qui s’est produit pour les tigres et les rhinocéros. Quand l’Asie perdait ses derniers représentants de tigres ou de rhinocéros, on s’inquiétait moins de ce qui pouvait se passer en Afrique car les lions et les rhinocéros se trouvaient dans des catégories moins inquiétantes. A croire que l’être humain a la mémoire très courte …
Quelques mois après l’interdiction internationale de commerce des espèces prononcée par la CITES, les autorités de Shanghai ont saisi une énorme quantité d’écailles de pangolin de près de 3,5 tonnes, évaluée à plus de 2 millions de dollars sur le marché noir.
Le pangolin fait partie de ces espèces moins emblématiques que les rhinocéros, les éléphants ou les félins, qui créent moins d’émotion dans l’opinion, mais dont la disparition va considérablement perturber la biodiversité dans le monde.