Réserves naturelles et parc nationaux sont indispensables pour préserver des activités humaines les rares espaces vierges riches en biodiversité restant sur la planète. Depuis la création du premier parc national en 1872 à Yellowstone aux Etats-Unis, d’autres ont suivi. Il existe aujourd’hui plusieurs modèles de conservation qui varient selon le pays avec des résultats très variables en matière de conservation des espèces.
Entre le braconnage, les conflits homme-faune sauvage et les intérêts économiques, la pression est constante sur les habitats naturels. Malheureusement, les parcs nationaux manquent souvent de moyens pour assurer la protection de leur territoire. Certains d’entre eux ont perdu jusqu’à 70 % de leurs animaux.
D’autres modèles de gestion impliquant les communautés locales comme les conservancies ont montré des résultats encourageants en Namibie. Une autre pratique tend à émerger, la délégation intégrale de gestion d’un parc.
Tour d’horizon des zones protégées et des différents modèles de conservation. Retrouvez également le commentaire de Sergio Lopez, fondateur de Wildlife Angel, en fin d’article.
Les Aires Protégées ou AP
On en trouve principalement en Afrique de l’Ouest et du Centre mais elles se rencontrent aussi en Afrique de l’Est ainsi que dans la zone australe. Celles-ci sont majoritairement gérées par les Etats et manquent de moyens financiers pour assurer une gestion efficace et protéger les animaux du braconnage.
3 sous-catégories d’aires protégées
Les réserves de biosphère et les réserves UNESCO
Les aires protégées à portée internationale comme les réserves de biosphère ou les réserves UNESCO qui sont classées patrimoine mondial. Ces espaces présentent un biotope d’une grande richesse. C’est notamment le cas du parc du W qui est une RBT (Réserve de Biosphère Transfrontalière) présente sur le Burkina Faso, le Niger et le Bénin.
Les aires protégées UICN classées de I à VI
Les AP au sens de l’UICN :
• Catégorie I : Les réserves intégrales sont des sanctuaires où personne n’est autorisé à entrer. Aucune exploitation ou activité humaine quelconque n’est tolérée. Il n’y a pas de tourisme ni de déplacement de populations. Ce sont parfois aussi des réserves scientifiques qui, comme leur nom l’indique, sont réservées aux chercheurs pour y mener des études sur la faune et la flore. Une partie du parc national d’Etosha en Namibie était interdite d’accès car réservée aux scientifiques, même chose dans certaines zones en Ouganda pour l’étude des gorilles et des chimpanzés.
• Catégorie II : Parc national, comme le Kruger en Afrique du Sud, le Tsavo au Kenya ou Etosha.
• Catégorie III : Monument naturel, c’est une aire protégée dans le but de préserver des éléments naturels spécifiques
• Catégorie IV : Aire de gestion des habitats ou espèces où il y a intervention au niveau de la gestion avec objectif de conservation
• Catégorie V : Paysage terrestre ou marin protégé dans le but d’assurer la conservation de paysages et à des fins récréatives
• Catégorie VI : Aire protégée de ressources naturelle gérée, principalement pour une utilisation durable des écosystèmes naturels.
Autres aires protégées
• Les forêts classées comme la Sissili au Burkina Faso où il est possible d’exercer certaines activités.
• Les réserves cynégétiques où l’entrée est contrôlée. Le tourisme est contrôlé également et la chasse autorisée selon un plan de quotas avec un suivi des populations d’animaux.
A noter qu’une aire protégée peut apparaître dans plusieurs catégories, le parc Kruger est ainsi à la fois une réserve de biosphère et classée dans la catégorie II de l’UICN « Parc national ».
Certains plaident pour concentrer les efforts sur les parcs nationaux et les forêts nationales. Mais avec un manque chronique de moyens, certains Etats d’Afrique peinent à assurer la protection de leurs aires protégées et parcs nationaux. D’autres types de gestion faisant appel en partie ou en totalité au secteur privé ont montré des résultats probants et méritent qu’on s’y attarde.
Les réserves privées
Ce système se retrouve principalement chez les anglo-saxons et par conséquent en Afrique australe : Namibie, Afrique du Sud, Botswana, Zimbabwe.
Dans la majorité des cas, ces territoires sont des enceintes closes fermées par des clôtures. Celles-ci sont choisies en fonction des animaux présents dans la réserve : éléphants, rhinocéros, lions, antilopes, etc.
Le propriétaire gère son territoire comme il l’entend. Il peut construire des infrastructures, des lodges pour héberger les touristes et faire payer un prix d’entrée pour accéder à la réserve. Toutefois, il doit respecter des standards en matière de protection du gibier avec notamment des quotas de chasse. Les mêmes règles s’appliquent pour les réserves dites « de vision » pratiquant les safaris.
Exemple : en Namibie, une réserve privée peut avoir des rhinocéros noirs sur son territoire mais il est – en principe – formellement interdit de les faire chasser car cette espèce est classée en danger critique sur la liste rouge de l’UICN.
Les réserves privées en Afrique australe achètent et vendent leurs animaux sur des marchés. Ce commerce est autorisé et encadré. Un gestionnaire de réserve privée ne peut pas introduire n’importe quelle espèce animale sur son territoire, surtout pour des espèces provenant d’autres régions d’Afrique. Il faut dans ce cas des autorisations spéciales émanant du gouvernement.
Les règles de protection et de gestion des animaux sont établies au niveau national. Au niveau international, c’est la CITES (Convention on International Trade of Endangered Species) qui dicte la réglementation du commerce des espèces en danger. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, cette organisation n’intervient pas sur des missions de protection de la faune.
Les Conservancies
Les concervancies ou « conservatoires » constituent un 3ème modèle de gestion prédominant des espaces naturels protégés en Afrique. C’est un système typique à la Namibie où, suite à l’indépendance, l’Etat a gardé uniquement quelques grands parcs nationaux (Etosha ou Namib-Naukluft). Il a délégué la gestion des autres zones protégées aux populations locales.
Ces conservancies s’étendent sur des territoires allant de quelques milliers à plusieurs millions d’hectares. Les communautés villageoises se voient confier la gestion faunique, le tourisme et la chasse.
En 2006, il y avait une quarantaine de conservancies en Namibie, aujourd’hui elles sont plus de 80. Ces zones protégées se basent sur le concept CBNRM pour Community Based Natural Ressources Management. Selon ses ressources et ses objectifs, chaque conservancy choisit son business model : chasse, tourisme de vision ou les deux.
Dans les zones de chasse
Selon les espèces animales peuplant la réserve, la conservancy peut proposer des activités de chasse au trophée. Des quotas stricts sont imposés par le gouvernement et un suivi rigoureux des populations d’animaux est obligatoire.
Les villageois contractualisent avec des entreprises privées (agences de voyages, de safari, etc) pour installer un campement et accueillir les touristes. Les cuisiniers, femmes de ménage, guides de chasse, tout le personnel doit être recruté parmi les locaux.
Dans les zones pour le tourisme de vision (safari)
Certaines conservancies jouent la carte de l’écotourisme plutôt que la chasse aux trophées. Ici aussi, les locaux signent des contrats avec des sociétés privées pour la construction d’écolodges et d’infrastructures. En revanche, le volume de touristes tend à augmenter considérablement car le rendement par client est moins élevé qu’une réserve de chasse. En effet, un touriste amateur d’observation rapporte moins qu’un chasseur qui lui doit payer un montant supplémentaire en fonction des espèces qu’il souhaite chasser.
L’approvisionnement en produits locaux est aussi préféré pour stimuler le tissu économique local. C’est le cas dans la zone de la Caprivi en Namibie. Cette zone plus humide permet à des paysans locaux de cultiver et de vendre aux lodges des réserves alentours.
Dans les deux cas, les conservancies signent des contrats avec des sociétés privées qui prennent en charge la promotion, la communication et le marketing pour faire venir des touristes et des chasseurs.
Certaines zones moins attractives en raison de la géographie ou du climat connaissent des difficultés pour attirer des touristes ou des chasseurs. Citons le Kaokoland, territoire des Himbas, dans le nord-ouest de la Namibie où l’on trouve des conservancies très isolées.
D’après l’UICN, ce modèle de gestion basé sur les communautés locales montre les meilleurs résultats en matière de conservation, que ce soit en Namibie, au Kenya ou en Tanzanie.
Vers un nouveau modèle de gestion pour les parcs naturels ?
Devant les résultats catastrophiques de certains parcs avec la perte de 60 à 70 % de leur faune (voire plus dans certains cas), que ce soit en Tanzanie, au Congo, au Bénin, au Malawi, une réflexion s’impose sur l’efficacité de la conservation. Les menaces qui pèsent sur la biodiversité s’amplifient. La disparition des habitats naturels au profit de l’agriculture, de l’industrie minière et le pillage par les braconniers s’accélèrent.
Le constat est clair, les parcs nationaux sont incapables de protéger leurs animaux.
Dans ce contexte, un nouveau modèle de gestion de réserve naturelle est en train d’émerger en Afrique avec une quasi « privatisation » d’un parc national : la délégation de gestion intégrale. Signée pour 20 ans par le gouvernement avec une ONG ou une société privée, celle-ci jouit du parc et de ses ressources naturelles en échange d’une redevance annuelle.
La seule structure aujourd’hui capable de se substituer entièrement à l’Etat pour la gestion d’un parc national est l’ONG sud-africaine African Parks. Actuellement, elle possède 15 parcs en délégation de gestion et a pour objectif la gestion de 20 parcs d’ici à 2020 totalisant plus de 10 millions d’hectares.
African Parks affirme qu’il y a des créations d’emplois pour les locaux avec la venue de touristes, la réhabilitation d’aérodromes, de bâtiments et d’infrastructures ainsi que la construction d’écoles et de dispensaires. Elle réalise aussi des transferts d’animaux entre ses parcs, notamment des rhinocéros noirs qui ont été déplacés au Tchad dernièrement.
L’ONG met en avant un modèle « business oriented ». Elle organise le tourisme, les activités de la réserve et la protection des animaux. Les gardes privées ont l’autorisation de réaliser des interpellations, de remettre les personnes à la police et de tirer en cas de légitime défense.
Les territoires gérés par African Parks sont de plus en plus souvent clôturées ce qui peut devenir un problème pour les locaux qui ont pour habitude de se déplacer dans le parc.
Le mot de Sergio
« Chez Wildlife Angel, nous pensons que le modèle de conservation le plus adapté implique les populations locales en leur octroyant un rôle actif dans la préservation de leur patrimoine.
Ce n’est pas aux ONG internationales de se substituer aux locaux pour la gestion de leurs parcs. Quant à la délégation intégrale de parc, celle-ci fonctionne mieux dans les pays à culture anglo-saxonne que dans les pays francophones où elle peut être assimilée par les citoyens du pays à une dépossession de leur patrimoine.
D’autre part, la dimension économique du projet a un rôle capital. Il faut des retombées économiques pour les populations locales avec des nouveaux modèles d’éco-tourisme pour limiter l’impact sur la faune et la flore.
Nous souhaitions mettre cela en place en Afrique de l’Ouest, notamment au Burkina dans les réserves d’Arly et du W. Malheureusement, le niveau d’insécurité dans le pays aujourd’hui ne permet pas de faire venir des touristes. Nous travaillons donc à préserver les animaux pour qu’un tel tourisme puisse être développé à l’avenir. »