Wildlife Angel prépare une mission importante pour lutter contre le braconnage en Namibie. Afin d’être encore plus efficace, nous avons entrepris avec deux importants partenaires français un voyage de repérage dans le but de construire précisément cette opération.
Lors de notre déplacement, nous avons visité plusieurs réserves dont la plus connue et la plus grande du pays, Erindi. Ce territoire de plus de 75 000 hectares, situé approximativement au centre du pays, nous a accueillis pendant deux jours afin de définir exactement nos contributions lors de notre prochaine action.
Le drame d’Erindi
Quand nous arrivons sur la réserve, jeudi 1er septembre, on se rend bien compte d’une certaine ébullition au sein du personnel. Les game rangers semblent nerveux et j’aperçois quelques mouvements de 4×4 désordonnés près du lodge principal qui trahissent une certaine tension.
Une des managers du site, avec laquelle notre équipe doit avoir un rendez-vous, diffère notre rencontre au lendemain en nous expliquant que la situation est très grave : un rhinocéros noir vient d’être abattu et dépouillé de ses cornes. Ce sont des touristes, clients de la réserve, qui ont découvert la dépouille et qui viennent d’alerter les responsables du site. Les rhinocéros noirs sont la propriété du gouvernement namibien. C’est une espèce en danger critique d’extinction et ils bénéficient d’un suivi et d’une protection hors norme. Or le fait que la réserve d’Erindi perde un rhinocéros noir la place dans une situation délicate à l’égard des autorités. Le lendemain, alors que nous quittons la réserve, nous passons devant un check-point improvisé, composé d’unités anti-braconnage d’Erindi, de la police et d’autres réserves venues les renforcer. Parmi les forces en présence, je reconnais un ami venu appuyer les recherches avec un gyrocoptère et un hélicoptère. Nous prenons un peu de temps pour échanger au sujet des enquêtes en cours et il me donne de précieuses informations sur la situation. Apparemment, les braconniers étaient au nombre de deux, bien armés, puisqu’un AK47 a été retrouvé dans les fourrés ainsi que plusieurs douilles et cartouches provenant d’une carabine de grande chasse de calibre .375 H&H magnum. Leurs chaussures étaient recouvertes de chaussettes et d’anciennes rations militaires consommées ont été retrouvées dans le lieu qui leur a servi de bivouac. Ils seraient restés sur la réserve pendant quelques jours avant d’abattre le rhinocéros.
Les suites de l’affaire
Nous apprenons aujourd’hui que 3 ressortissants Zambiens et un Namibien, ce dernier selon toute vraisemblance étant un ancien policier, ont été arrêtés vendredi 2 septembre en fin d’après-midi.
Les suspects ont été arrêtés, alors qu’ils se déplaçaient ensemble dans un véhicule, grâce à un barrage routier établi près d’Otjiwarongo. Ils ont aussitôt été interrogés par l’équipe en charge de l’enquête, ce qui a conduit les policiers à perquisitionner une maison à Okahandja. Une carabine de chasse de calibre .375 ainsi que deux cornes de rhinocéros ont été découvertes au domicile du Namibien. Les preuves ont été saisies et les individus placés aussitôt en garde à vue.
Alexander Steyn, le chef de la surveillance du district d’Omaruru, a exprimé toute sa détresse lors de son arrivée sur zone. Il a déclaré que la perte du rhinocéros était un coup terrible pour le pays tout entier, car au-delà de la valeur financière de l’animal et du coût généré par les opérations de recherche pour appréhender les coupables, c’est l’image toute entière de la Namibie qui est écornée avec un impact négatif auprès des touristes. La découverte de cet animal mort par des touristes en safari dans la plus belle et vaste réserve du pays est un signal d’impuissance fort donné par la Namibie à l’ensemble du monde. Sa déclaration aux journalistes présents sur la réserve est lourde de sens :
« Je suis très inquiet par le fait que les braconniers utilisent à présent des fusils d’assaut et des carabines de gros calibre pour accomplir leur sale boulot. Ils se servent des armes lourdes alors que nous sommes principalement des volontaires pacifiques, désireux de protéger notre pays, ses populations et sa faune. Nous ne sommes pas autorisés à tirer, sauf si l’on se fait d’abord tirer dessus. Combien de temps encore avant que l’un d’entre nous soit blessé ou tué ? Ces criminels sont hautement entraînés et se foutent totalement de nos vies. »
Et il ajoute que les pays voisins ont renforcé leurs procédures, durci leurs lois et les peines applicables à l’encontre des braconniers, ce qui explique que ces derniers ont logiquement décidé à présent de se tourner plus intensément vers la Namibie car ils savent que le pays ne peut pas se défendre efficacement contre cette menace.
La semaine dernière, un groupe de membres des communautés villageoises et de fermiers ont manifesté devant la cour du magistrat d’Omaruru contre l’acceptation d’une caution demandée par les avocats de sept suspects accusés d’être impliqués dans le braconnage de rhinocéros dans la zone. Les sept individus ont été arrêtés au mois de mars, après qu’ils auraient abattu deux rhinocéros dans la réserve d’Epako Game Lodge près d’Omaruru. Ils font face à des accusations de possession d’armes à feu sans permis et de chasse au gibier spécialement protégé.
Comment rendre la lutte plus efficace ?
Cette sombre histoire est bien la preuve que, comme nous le prévoyons depuis maintenant deux ans, les organisations criminelles vont logiquement progresser de l’Afrique du sud et du Zimbabwe vers la Namibie, pays relativement protégé depuis le début de la vague de braconnage.
Le discours du responsable de la surveillance du district d’Omaruru est très clair. Les braconniers qui sévissent en Namibie sont déterminés, armés et entraînés. La présence de rations militaires et de fusils d’assaut sont des preuves incontournables de l’équipement des malfrats : il y a quelques semaines les policiers ont arrêté deux individus armés d’un fusil automatique sud-africain R4, aujourd’hui un AK47 chinois. Il est donc essentiel de pouvoir former comme il se doit les personnes qui composent les unités anti-braconnage des réserves privées. Si des spécialistes sud-africains ont apparemment été sollicités pour former certaines équipes gouvernementales, il paraît évident que les réserves privées sont livrées à elle-même pour assurer la protection de leur faune sauvage.
L’ONG Wildlife Angel est prête à se mobiliser encore plus fort pour apporter des solutions efficaces à la crise actuelle et apporter sa contribution opérationnelle afin d’endiguer la poussée du braconnage sur un des pays les plus riches en terme faunique du continent africain.