L’année dernière, au cœur de la pandémie, le gouvernement namibien avait annoncé une vente aux enchères de 170 éléphants, destinés à des acheteurs locaux et étrangers. Fortement critiquée, la vente a attiré moins d’investisseurs que prévu, les responsables gouvernementaux admettant que le tollé international suscité par l’annonce du projet a pu décourager les acheteurs. En effet, cette vente aux enchères a été largement condamnée par les défenseurs de l’environnement et plus de 100 000 personnes ont signé une pétition en ligne contre ce projet.
L’objectif du gouvernement namibien : « que les ventes permettent de trouver un équilibre entre la conservation des éléphants et la gestion des risques de conflit entre l’homme et l’éléphant. »
Malgré le manque relatif de succès de l’opération, seuls 57 éléphants ont été achetés, le gouvernement n’a pas exclu de procéder à une autre vente aux enchères à l’avenir.
Mark Hiley de National Park Rescue, une organisation non gouvernementale qui sauve les parcs africains, a déclaré :
« Avec seulement un tiers de la vente d’éléphants sauvages de Namibie trouvant des acheteurs, il est clair que le tollé international et les médias mondiaux ont effrayé certains des suspects habituels, limitant les dommages au patrimoine naturel des Namibiens qui disparaît rapidement. Sous couvert de bénéficier aux communautés, les politiciens africains exagèrent leurs stocks restants et prennent l’argent des puissances étrangères immorales pour vendre leur patrimoine naturel. Mais tant que les millions de tweets de colère ne se transformeront pas en compensations significatives pour protéger ces biens mondiaux partagés, leur destruction est inévitable. »
Selon le gouvernement namibien, la population d’éléphants du pays a augmenté au cours des dernières décennies, passant d’environ 7 500 en 1995 à 24 000 en 2019. Dans une déclaration officielle, le ministère de l’Environnement a déclaré que l’objectif de la vente aux enchères était de « réduire le nombre d’éléphants dans des zones spécifiques afin de minimiser le conflit homme-éléphant qui est devenu persistant » et qui a entraîné des pertes de vies humaines et des perturbations des moyens de subsistance des personnes.
Sur ces deux points, il serait important de rétablir la vérité.
Tout d’abord, comment une population d’éléphants peut tripler en vingt ans ? Quand on compare avec la population du parc Krüger, en Afrique du sud, cela paraît tout simplement impossible. Selon les observateurs sur place, la taille réelle de la population serait beaucoup plus faible que ce que prétend le gouvernement, entre 10 et 15 000 individus. Près de 70 % du chiffre cité par le gouvernement est constitué d’éléphants « transfrontaliers », qui se déplacent entre la Namibie, l’Angola, la Zambie et le Botswana.
Quant aux raisons invoquées pour résoudre le conflit homme/éléphant, la vente aux enchères des pachydermes n’est pas une solution adaptée. Les éléphants peuvent être capturés et déplacés ailleurs dans leur aire de répartition, par exemple, et il y a de très bons exemples de cohabitation homme/éléphant dans d’autres pays.
Qui plus est, le manque de transparence concernant la communication du gouvernement namibien été cité comme une « sérieuse préoccupation » par les défenseurs de l’environnement lorsque la vente aux enchères a été annoncée pour la première fois, peu de temps après le scandale des pots-de-vin versés pour des droits de pêche en Namibie, qui a conduit à l’arrestation des ministres de la justice et de la pêche. Tous deux sont en prison dans l’attente de leur procès. Le gouvernement n’a pas révélé l’identité des organisations qui ont acheté les animaux. Les responsables ont déclaré que les éléphants qui ont été vendus seront capturés et retirés de leurs habitats actuels. 42 des pachydermes seront exportés vers des destinations internationales, sans préciser les pays en question, 15 autres resteront en Namibie, sous propriété privée, sans donner plus de détails.
Le gouvernement namibien, ainsi que les gouvernements du Botswana et du Zimbabwe, veulent faire des éléphants une marchandise. Ils semblent considérer la commercialisation des animaux comme un moyen de conservation. Si la Namibie exporte des éléphants vivants, cela pourrait inciter d’autres pays à faire de même.
Depuis des années, les autres pays d’Afrique australe possédant des éléphants inscrits à l’annexe II de la CITES (Botswana, Afrique du Sud, Zimbabwe) tentent de relancer le commerce international de l’ivoire, interdit depuis 1989, en affirmant qu’ils ont trop d’éléphants et que le commerce de l’ivoire est un moyen de contrôler les populations et de générer des revenus pour la conservation.
Les parties à la CITES ont rejeté ces offres de façon claire et répétée. En effet, la grande majorité des pays reconnaissent les liens entre le braconnage, le trafic et le commerce, mais la Namibie, l’Afrique du Sud, le Botswana et le Zimbabwe expriment de plus en plus clairement leur intention de contourner la CITES et leurs engagements internationaux en faveur de la conservation des éléphants, de sorte que s’ils n’obtiennent pas l’autorisation de commercialiser leurs stocks d’ivoire, ils pourraient bien commencer à explorer le commerce des éléphants vivants…