Aujourd’hui, c’est la journée mondiale des rangers. Ces gardiens du patrimoine naturel mondial ont la difficile tâche de préserver les parcs nationaux et les réserves du pillage et du braconnage.
Avec l’explosion des échanges au niveau mondial et une course mortifère à la croissance, la criminalité environnementale connaît une expansion sans précédent. Selon l’ONU, le trafic illégal d’espèces sauvages génère chaque année jusqu’à 23 milliards USD et le trafic légal – tout aussi problématique car la régulation est inexistante ou dysfonctionne totalement – se chiffre à 100 milliards USD rien qu’en Union Européenne. Les saisies records se multiplient (voir ci-dessous). Les autorités sont incapables de contrôler toutes les marchandises et les millions de containers qui circulent partout sur la planète. Les enquêtes des journalistes d’investigation dévoilent des chaînes logistiques d’une incroyable complexité. Un vrai casse-tête chinois pour les autorités, les douanes et les services de police chargés de démanteler ces trafics.
Par conséquent, les rangers et les éco-gardes forment le premier rempart contre le pillage et la destruction de la biodiversité. Travaillant dans des conditions très difficiles, ils sont en première ligne et risquent leur vie au quotidien. Plus de 1000 éco-gardes sont morts dans l’exercice de leur fonction ces 10 dernières années, la plupart tués par des braconniers.
Selon des chiffres du WWF, le salaire moyen d’un ranger en Afrique est de 180 USD/mois, soit 6 USD/jour. Ce chiffre est une moyenne sur quelques pays, probablement tirée à la hausse par le Kenya où les moyens alloués à la protection de la faune sont bien plus importants qu’ailleurs. Au Niger et au Burkina Faso, le salaire des éco-gardes est de 120 €/mois soit 4 €/jour. Le seuil d’extrême pauvreté est fixé à 1,90 USD/jour par la Banque Mondiale pour donner un élément de comparaison. Les rangers n’ont pas accès à des besoins de base comme l’eau potable et la nourriture. Ils sont plus de 72 % à contracter la malaria, 43 % à contracter une maladie grave ou une infection. Près d’1 ranger sur 10 se fracture un os dans l’année et pourtant ils n’ont aucune formation aux premiers soins. La liste est longue et nous avons écrit un article complet dessus accessible ici.
Au Burkina Faso où la situation sécuritaire est critique en raison de la menace terroriste, nous avons formé à plusieurs reprises des équipes d’éco-gardes ces dernières années. En 2018, nous avons perdu deux éco-gardes et un pisteur. Cette année, quatre rangers ont été blessés durant des attaques perpétrées par les djihadistes qui ont trouvé refuge dans les parcs de la région. La végétation plus dense qu’ailleurs leur permet de se cacher, de se déplacer et de porter des attaques pour harceler les représentants de l’autorité de l’Etat. Lorsqu’ils prennent le contrôle d’une aire protégée, ils autorisent les populations – et les braconniers – à chasser et à piller sans limite animaux, arbres et plantes.
Criminalité faunique en hausse
Les saisies record des dernières semaines témoignent de l’importance du trafic et des revenus générés par les trafiquants.
Saisie d’Interpol avec l’opération Thunderball (10/07/19) :
– 545 kg d’ivoire
– 1,3 tonne d’écailles de pangolins
– Plus de 600 tonnes de bois
– Des milliers de plantes, d’oiseaux, de reptiles et tortues vivants
Saisie record à Singapour dans un container en provenance de RDC (23/07/19) :
– 8,8 tonnes d’ivoire équivalent à 300 éléphants (soit environ 13 millions USD)
– 11,9 tonnes d’écailles de pangolins équivalent à 2000 pangolins (soit environ 37 millions USD)
Saisie record de cornes de rhinocéros à l’aéroport d’Hanoi au Vietnam (29/07/19) :
– 125 kg de cornes emballées dans 125 paquets
– Marchandise évaluée à 7,5 millions USD