Appelez-le ranger, éco-garde ou encore garde-forestier. Sa mission ? Protéger une zone riche en biodiversité, parfois au péril de sa vie.
Mais à quoi ressemble la journée type d’un ranger en Afrique ?
A quelle heure met-il son réveil ?
De quoi sont faits ses repas ?
Sa journée ressemble-t-elle à un safari ?
Passe-t-il son temps à se balader en 4×4 et à observer éléphants, lions et buffles ?
Plongez dans le quotidien d’un éco-garde Wildlife Angel.
(Pour des raisons de sécurité, certaines informations sont fictives)
5h – Réveil
La journée du ranger commence à l’aube au centre des opérations. Première chose à faire : vérification de son équipement personnel. Le ranger prépare ses affaires de brousse, son ceinturon avec sa gourde et son couteau. Il vérifie également que son téléphone portable est bien allumé. Même si la couverture réseau est limitée dans les aires protégées s’étalant sur parfois plusieurs millions d’hectares, cela reste un outil pouvant se révéler utile.
5h30 – Rassemblement pour la levée des couleurs
Les hommes se rassemblent sur la place centrale du centre d’opérations pour la levée des couleurs du pays. Le drapeau du pays est levé pour la journée, un coup de clairon est donné et l’ensemble des équipes se mettent au garde à vous. Le chef d’équipe désigne ensuite les éco-gardes qui partiront en patrouille. Ils s’en vont dans la foulée préparer le matériel pour partir 3 jours en itinérance ou pour quadriller une zone précise.
L’équipe est composée d’un chauffeur pour le véhicule, d’un chef d’équipe et d’opérateurs.
Le chauffeur vérifie toujours l’état de son véhicule – dans le cas du W Niger, un vieux pick-up – avant de partir : courroie, pneus, essence et huile, entre autres. Même chose pour les opérateurs qui se déplacent à motos aux côtés du 4×4. Les motos sont des 125 cm3 chinoises et non des japonaises tout-terrain pour des raisons de coût et de disponibilité des pièces détachées.
6h – Briefing
Le chef d’unité briefe l’équipe : type de patrouille, durée, etc. Cette dernière a entre 30 min et 1h pour préparer l’équipement collectif, emporter les jerricans de carburant et d’eau. Un cuisinier est désigné pour apporter le riz et les pâtes en quantités suffisantes et la popote avec de quoi faire le thé et la sauce, le plus souvent du concentré. Pas de viande au programme, un produit de luxe en Afrique.
Expérience du terrain
Durant notre mission au Niger, nous avons adopté le régime alimentaire des éco-gardes et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il est frugal. Pâtes ou riz matin, midi et soir. Une sardine est jetée dans le plat de pâtes partagé entre 12 personnes. Les plus chanceux découvrent un bout de sardine dans leur gamelle, d’autres n’ont que des pâtes.
Au bout de 8 jours avec ce régime très pauvre en protéines, notre équipe de formateurs français commençait à accuser le coup. Nous avons été obligés de commander des poulets pour pouvoir tenir et mener la mission jusqu’à son terme. Nous avons envoyé quelqu’un à plus de 30 km de notre lieu de formation pour aller en acheter à un éleveur sur un marché. Voilà le quotidien d’un ranger au Niger…
L’éco-garde en charge des radios doit veiller à en avoir au moins une pour trois personnes. Il vérifie bien entendu son état, la batterie et son fonctionnement.
Le responsable de l’armement vérifie l’état de chaque arme, note son numéro et le nom du ranger qui en prend possession dans l’équipe. Un nombre limitée de munitions est attribué par personne. Là encore, le manque chronique de moyens se fait ressentir puisqu’ils n’ont même pas assez de munitions pour remplir entièrement un chargeur…
Quelques haches sont emportées pour couper les arbres cassés par les éléphants obstruant les pistes. Des machettes serviront pour élaguer la végétation dense et faciliter la progression à pieds.
7h – Départ de la patrouille
Au départ, le chef d’équipe les réunit une dernière fois en leur indiquant l’itinéraire et le point de chute. Il ne le fait pas au préalable pour éviter qu’une info ne soit donnée – accidentellement ou pas – et ainsi garder l’objet de la mission confidentiel.
Chaque élément du convoi adopte une position spécifique pour un maximum d’efficacité.
L’avant du convoi repère les traces au sol
Une moto devant le 4×4 éclaire la route et le passager examine de part et d’autres d’éventuelles empreintes au sol laissées par des animaux ou des hommes. Les traces d’animaux sont nombreuses le matin et c’est le moment propice pour croiser le chemin d’un éléphant. L’après-midi, il est plus courant de rencontrer des buffles. Les félins sont plus discrets, il est rare d’en observer. Il faut se contenter de leurs empreintes.
Les traces laissées dans le sens de la route par les roues de voiture, de moto ou de vélo n’ont que peu d’intérêt. Certaines pistes dans les parcs nationaux sont souvent empruntées par les touristes et les villageois.
Les traces intéressantes sont les empreintes de pieds perpendiculaires à la route qui indiquent que des personnes se déplacent à travers la brousse en évitant les routes. Les traces laissées sur les pistes qui s’enfoncent dans le parc sont les plus suspectes.
Le pickup repère les signes éloignés
Positionnés légèrement en hauteur, les rangers sur le 4×4 font office de vigie, ils observent au loin pour chercher un feu de brousse, un feu de camp ou des vautours. Les oiseaux désignent l’endroit d’une carcasse en décomposition, il peut s’agir d’un prédation par des lions ou des hyènes ou d’un animal braconné. Les rangers positionnés à l’arrière du véhicule tout-terrain se doivent aussi d’être vigilant sur les menaces possiblement dissimulées dans la brousse. Il faut surveiller en permanence la végétation et les alentours pour voir si quelqu’un s’enfuit ou si des animaux ont un comportement anormal.
En fonction de l’endroit, le chef d’équipe peut décider d’arrêter la patrouille roulante et de partir à pied avec un groupe de rangers. Le reste de l’équipe avec moto et voiture partent monter le camp provisoire pour le midi.
8h – Patrouille pédestre
Lorsque des carcasses sont découvertes et qu’il s’agit d’une prédation ou d’une mort naturelle, les rangers ne font rien. En revanche, si des traces de braconnage sont détectées comme par exemple des défenses prélevées sur une carcasse d’éléphant, les rangers prennent des photos et marquent la position au GPS.
Ils peuvent aussi trouver des indices de présence humaine hors scène de crime. La même procédure s’applique avec photographie, position GPS, récupération ou destruction du bien. Un déchet comme un mouchoir ou un emballage sera récupéré et détruit.
Nous sensibilisons de plus en plus les éco-gardes à la récupération d’indices car il y a de plus en plus de pièges les visant eux. Pour récupérer un sac plastique posé au sol, mieux vaut utiliser un bâton pour éviter de se faire arracher des doigts ou une main.
Lorsqu’un piège est découvert, une photo est prise, il est désamorcé puis détruit. Les pièces sont emportées pour être détruites et l’emplacement est marqué au GPS. Il n’est pas prévu de laisser le piège tel quel et d’essayer d’embusquer les braconniers car il y a bien trop de pièges déposés. Dans certaines aires protégées, les pièges faits de câbles métalliques sont saisis par milliers.
Expérience du terrain
Durant une patrouille en Ouganda au Murchinson Falls avec une patrouille de l’Uganda Wildlife Authority, en 2 ou 3h nous avions relevé plus d’une vingtaine de pièges. Difficile dans ces conditions et avec un effectif réduit de tenter d’embusquer les braconniers.
13h – Arrivée au campement et pause de midi
La patrouille pédestre se rend sur le lieu-dit du camp entre 13h et 13h30. Un coin d’ombre a été choisi ou une bâche a été tendue pour se restaurer et boire à l’abri des rayons du soleil. La température en plein après-midi peut dépasser les 40°C en Afrique de l’Ouest.
Une protection active est organisée avec un ranger positionné en hauteur pour surveiller les alentours et deux autres de part et d’autres du camp. Ils alternent les rôles pour que chacun puisse se reposer puis le camp est levé un peu avant 15h.
15h – Levée du campement
Les rangers remballent leurs affaires puis se dirigent vers un autre chemin pour aller dans la zone sensible pour la préparation du bivouac. Ils reprennent le pick-up et les motos puis se positionnent à nouveau en convoi.
17h – Arrivée sur le lieu du bivouac
Etape 1
Le convoi s’arrête. Une petite équipe part à pieds sur le site en éclaireur. Le reste du groupe continue la patrouille avec les véhicules et s’écarte de la zone.
Etape 2
La patrouille pédestre explore et sécurise la zone puis donne le feu vert aux véhicules pour les rejoindre sur le lieu du bivouac.
Etape 3
Comme pour le midi, pendant qu’une équipe va installer le bivouac, le reste part en patrouille pédestre tout autour de la zone et rentre quand il fait nuit noire.
18h-18h30 – Tombée de la nuit
Les braconniers opèrent souvent à la tombée de la nuit, les éco-gardes doivent alors redoubler de vigilance.
Expérience terrain
Fin 2016, lors de l’opération Brigade Félins dans le parc W du Niger, nous sommes en route pour aller bivouaquer quand un coup de feu retentit dans la brousse. L’alerte est aussitôt donnée et notre équipe fonce pour intervenir sur la zone. Un éléphant est à terre en train d’agoniser, on ne peut rien faire pour lui. Un braconnier, sans doute perché dans un arbre, vient de lui mettre une balle dans le haut du crâne. Ils n’ont pas eu le temps de prélever l’ivoire et se sont enfuis sur le fleuve Niger qui longe le parc.
Une vidéo prise lorsque nous sommes arrivés sur les lieux :
19h – Repas autour du feu
Le camp pour passer la nuit est prêt. Le feu allumé, les pâtes chauffent et les matelas sont étendus sous des moustiquaires. Des bâches sont tendues quand il y a risque de pluie ou des tentes sont utilisées durant la saison humide.
Après le repas et le thé à la menthe, le chef d’équipe organise les quarts pour toute la nuit jusqu’au petit matin. Les rangers se relayent régulièrement. Ils auront au préalable disposé un filet de camouflage sur la voiture et les motos seront cachées dans des fourrés. Lors des patrouilles itinérantes, le feu est alimenté toute la nuit pour écarter les animaux sauvages, principalement les lions.
Les 2ème et 3ème jours sont similaires. Le groupe d’éco-gardes peut soit continuer la patrouille en itinérance lorsqu’ils sont en plein cœur du parc, soit rayonner autour d’un campement en dur avec quelques structures permanentes. Celui-ci est ceinturé d’un grillage pour éviter aux lions de rentrer. Parmi les installations rudimentaires, il y a un point d’eau naturel ou un puits et un petit abris en briques de terre.
Le 3ème jour, toute l’équipe retourne en fin d’après-midi au camp de base.